De quel système de santé voulons-nous demain ?
Je suis médecin hospitalier en Corrèze. Année après année on observe une dégradation de notre offre de soins. L'hôpital se transforme en entreprise. Le soin doit devenir rentable. Depuis l'instauration de la tarification à l'activité (T2A) ce sont les orientations financières qui prennent le dessus au détriment des soins. Les administrations ont pris le pouvoir totalement et le management maltraite les soignants. Fermeture de lits d'hospitalisation, diminution des effectifs soignants. Tous les ingrédients sont présents pour démobiliser les soignants et les faire fuir de notre système d'hospitalisation publique.
Il faut très rapidement repenser l'organisation de l'hôpital public. Les soignants et les citoyens doivent reprendre la main et s'imposer afin que nos hôpitaux redeviennent un bien commun au service de tous.
Les belles paroles et les bonnes intentions ne suffiront pas. Il va être indispensable de rentrer dans l'action.
jeff3786 Wed 3 Jun 2020 7:26AM
Membre du collectif sanit86, je vous propose un texte que nous avons publié dans plusieurs media dont Mediapart ici

DUPIOL Michel Wed 3 Jun 2020 8:10AM
Super texte... J'approuve
Mercier Monique Wed 3 Jun 2020 9:27AM
Tout à fait d'accord
Alain M Wed 3 Jun 2020 10:18AM
super texte. Il me semble que ce qu'il développe rejoint à plein d'endroits les idées de l'appel "Se fédérer". Je ne suis pas un expert du système de santé français mais j'en suis un usager assez intense (ma mère a eu un cancer et mon père est en maison de retraite) pour mesurer qu'il y a plein de choses qui ne vont pas et combien les gens qui y travaillent sont épuisés. La crise Covid l'a fait réalisé à plein de monde.
J'interrogeais une soignante l'autre jour qui m'avait expliqué qu'en gros à l'hôpital il y avait une strate gestionnaire complètement déconnectée des réalités et de l'ensemble des travailleu.r.ses de terrain. Elle me racontait qu'elles avaient dû déployer des stratégies d'auto organisation pour s'en sortir, sans passer par les circuits officiels, les "process", pour récupérer des blouses, du matos, des lits. Partagez vous cette analyse ?
Cette auto-organisation dans l'urgence, est ce que vous pensez qu'elle pourrait se déployer aussi en temps "normal", quand il y a plus de fric et plus de temps ? Est ce qu'on pourrait envisager un système hospitalier géré par les usager.e.s et celleux qui y travaillent ? Est ce que ça existe quelque part ou est ce que ça a existé ? Comment cela pourrait-il être structuré ? Est ce que pour les gros systèmes impliquant gros moyens et gros maillage territorial il y a malgré tout besoin d'une certaine verticalité, ou d'une centralisation ? Et si on essayait de promouvoir des assemblées usagers/soignants pour réinventer tout ça ?
jeff3786 Wed 3 Jun 2020 12:46PM
Jusqu'en 1967 la SS était gérée par les représentants des soignants et des usagés, je rappelle souvent que le système des CHU a été conçu et réalisé, au début des année 60, sans appel à l'emprunt mais par une augmentation des cotisations et donc sans générer de dette. Nous devons réclamer le retour des fondamentaux du régime général instauré par A Croizat en 1946 et le rétablissement des cotisations à la place des exonérations patronales et de la CSG( pour mémoire les cotisations sont du salaire).
Et oui il s'agit de défendre nos conquêtes et de réimposer ce que nos anciens avaient su mettre en place .
Le mer. 3 juin 2020 à 12:18, Alain M (Framavox) notifications@framavox.org a écrit :
Patrick Shan Wed 3 Jun 2020 6:15PM
Le Ministère de la Santé actuel est plutôt un Ministère de la maladie. La véritable santé se cultive bien en amont de l'hôpital. Même si le système hospitalier a bien besoin d'une refonte, il représente un seul des maillons du système de santé, qui se cultive bien en amont, à commencer par la médecine générale, qui a elle aussi bien besoin d'une révision. Pas seulement d'ordre économique, mais épistémologique et paradigmatique. Nous devons retrouver une approche hippocratique du malade, respectueuse du malade plus que de la maladie, et du "Primum Non Nocere". Il est temps de revoir l'approche exclusivement pasteurienne et biotechnologique de la médecine. Pasteur n'était pas médecin. La santé ne peut se résumer à une politique vaccinale généralisée, des batteries d'examens et des soins intensifs.
jeff3786 Wed 3 Jun 2020 6:42PM
Je suis bien d'accord avec vous, la médecine devrait plus s’intéresser à l'Homme dans son entièreté plutôt que le découper en tranche sans analyse globale.
Nous devrions remettre en question les dogmes du XX° siècle afin de permettre à l'humain de développer ses défenses naturelles sans nier pour autant les connaissances accumulées
Et comment se préoccuper de santé sans se poser la question du manger et du milieu dans lequel nous vivons (voir l'item sur l'alimentation)
Le mer. 3 juin 2020 à 20:15, Patrick Shan (Framavox) notifications@framavox.org a écrit :
Alain M Thu 4 Jun 2020 10:06AM
J'ai l'impression que la thématique peut se décliner en plusieurs axes (qui s'entremêlent) : quelles pratiques de santé (relation soignant-patient) ? quels financements ? quels mode de gestion ?
Molécule Sat 6 Jun 2020 8:48PM
Je ne suis pas sûr qu'il y aurait un gain à séparer les thématiques, du moins dans l'immédiat. La question de la relation soignant.e.s-patient.e.s dépend à la fois du nombre de soignant.e.s par patient.e.s et de la liberté accordée aux premiers - donc, directement, du financement et du mode de gestion.
J'ai été très frappé par cette interview d'une cheffe de service (très courue dans les médias mais j'ai oublié son nom) qui racontait comment son hôpital s'était mis en état de quasi auto-gestion pendant l'épidémie du covid, l'administration étant dépassée par la situation, et comment toustes avaient retrouvé le sens de leur métier, et on sait que ça leur a permis de faire un boulot assez extraordinaire en termes de qualité de soins. Et puis elle ajoutait que dès la baisse de la pression épidémique, les comptables étaient réapparus en disant que les chiffres n'avaient pas été atteints pour les mois de mars-avril.
Donc, tout ça : forme et qualité des soins, financement et gestion, c'est tout un et on ne peut pas en traiter un sans passer à côté de la question. Enfin, c'est ce qu'il me semble. Tout simplement parce qu'on est formatés à différencier les modes de production et les modes de consommation et on peut facilement s'imaginer que la forme des soins (consommation) peut changer sans les formes de gestion et un financement suffisant (production). C'est un discours qu'on n'arrête pas de nous servir : faire plus et mieux avec moins de moyens, c'est possible si on fait confiance à la rationalisation du travail.
On peut voir les choses dans d'autres sens. Si la gestion de la santé reste aux mains de l'Etat et des grands patrons (paritarisme et Acoss), les intérêts privés primeront sur l'intérêt général et la forme des soins ne changera qu'en tant que cela arrangera les affaires des labos pharmaceutiques et des officines privées de toutes sortes. Et tant que le financement dépendra de décisions étatiques et patronales, Etat et patrons garderont la haute main sur la gestion.
Le plus important me semble être pour l'instant d'affirmer l'unité des trois niveaux, la solidarité des modes de production et des modes de consommation. Articuler un discours sur ce sujet n'est pas chose forcément facile et je crois que c'est ce que nous devons d'abord travailler. Affirmer un mode de financement unique (les cotisations sociales et non le fisc, les emprunts ou les PPP) ; en tirer les conséquences quant au mode de gestion (par les soignant.e.s et les soigné.e.s) ; et apprécier ensuite les libertés acquises en termes de formes du soin.
Pour bien préciser ma position sur les soins, je ne suis pas un fanatique de l'allopathie. Je me fais soigner surtout à l'acupuncture, parce que j'ai la chance d'avoir un très bon acupuncteur ; après avoir pratiqué plusieurs années l'homéopathie, parce que j'avais un très bon homéopathe. Donc, quand je promeus le lien des formes du soin avec le financement et la gestion, ce n'est pas une façon déguisée d'éviter la discussion ;)
DUPIOL Michel · Tue 2 Jun 2020 8:10AM
Entièrement d'accord avec toi. Et dire qu'il fut un temps où nous avions le meilleur service de santé du monde... Nous pouvions en être fier, mais maintenant et le COVID l'a démontré nous sommes comme les autres et même pire...
Il faut réagir et arrêter de prendre les soignants et les soignés pour des cons... restons maître de notre santé