Cercles restauratifs - Episodes 2 et 3 : Entretien avec Dieudo par Louis Fouché

Suites du premier épisode :
Sources :
Épisode 2
Épisode 3
Je les rassemble au fur et à mesure sur cette page :
Pareil, vos retours sont les bienvenus 😉
Bisbau Jocelyne Wed 2 Apr 2025 9:07AM
expérimenter...avec des risques...
Peut-être que le chemin est différent pour chacune, chacun tout comme les besoins, les envies
Amans Thu 12 Jun 2025 2:25PM
@Luce Merci pour ce que vous partagez là ! ça me semble important d'ajuster cette compréhension, de prendre la mesure du désastre que représentent certains actes dans bien des vies, comme ce que vous évoquez, et d'approfondir au moins un peu la connaissance des fonctionnements traumatiques - ce genre de situations étant en effet typiquement celles qui ne sont pas adressées de façon satisfaisante par la justice de nos états - et non seulement les médiations plus "légères" (encore que là aussi souvent liées à du trauma plus "ordinaire" si je peux dire, comme la violence de toutes les familles y compris celles où il n'y a pas de vécu d'inceste - celui-là même n'étant hélas aussi que bien trop courant).
Important aussi de veiller avec une profonde attention à çes rôles de sauveur-euses et à l'idéalisme oui ou la naïveté qui les accompagnent assez volontiers, à ce que tout ça peut biaiser dans nos groupes et nos démarches.
Dans le doc que je vais partager dans un autre fil sur le groupe bientôt concernant la facilitation en disons "justice coopérative", je garde l'idée que si on s'y prend de certaines façons, ouvrir la possibilité d'une rencontre entre auteures et victimes de tels actes peut être une bonne chose. Je ne prétends pas connaître toutes les études en crimino dont vous parlez, et sans doute selon les auteur-es etc. + la psycho est une science mais ses résultats expérimentaux s'adaptent si incroyablement aux croyances de celleux qui la professent ou sont étudié-es... prudence et attention me semblent les clés là où vérité et justice pour l'heure échappent ... irrémédiablement ? à une anthropologie du conflit.
En tous cas voilà les trois raisons que je vois d'ouvrir ces possibles et difficiles retrouvailles - avec l'idée bien sûr que si ça n'a pas lieu, c'est tout aussi parfait :
il ne s'agit pas tant, dans ce genre de cas, de permettre à la victime de "montrer ses tripes" à l'auteur que de laisser une chance à l'auteur de saisir (sentir / voir... qqchose de l'âme) la profondeur du dégât qu'il a commis... qu'on lui demande à elle de faire le job pour lui (...) peut sembler injuste en effet - voire insoutenable - d'un point de vue féministe. Parfois ça ne doit / ne peut en effet pas avoir lieu. D'un point de vue existentiel pourtant, le fait de "voir" (percevoir) ce processus à l'œuvre chez l'autre peut être réparateur - je crois - du fait de la dimension compassionnelle naturellement à l'œuvre chez en fait tous les mammifères - et la compassion n'est ici ni pardon ni compréhension : reconnaître que la douleur a été aperçue, ce n'est pas lui donner un "sens" intellectuel, mais c'est boucler une histoire, être reconnu-e dans cette histoire en tant que sujet, partager de nouveau le même monde physique, condition d'existence.
Le trauma est renforcé, hélas le plus souvent c'est vrai, si la situation renvoie de nouveau à un raté, une impuissance, un abus, une violence - institutionnel-le ou symbolique, qui renvoie au passé en miroir, sur un autre plan. Si la situation renverse le rapport de pouvoir - plus qu'à moitié, sans faux-semblant, sans triche - à l'inverse, ça peut aider à s'en libérer je crois - même si ça n'est que quelques pas sur un chemin, qui peut être n'aboutira jamais.
le fait de voir (là encore) son agresseur - employons ce mot qui ne dit pas toutes les situations mais - dans son humanité-quand-même, justement pitoyable et maladroite, au sein d'un dispositif qui prévient avec attention tout abus et manipulation de cette possible "humanité compassionnelle" etc. - càd dans un rapport, un dispositif où tous les mécanismes de la domination ont été défaits, et avec au moins un peu de conscience des biais psy, stockholm et compagnie... permet peut-être à la personne concernée de défaire l'essentialisme de l'Agresseur, l'Agression, la Violence identifiée à - cette personne et - possiblement du coup psychiquement tous les hommes etc., voire d'elle-même en tant que victime. Je crois ça, là encore, et j'ai entendu des témoignages qui vont dans ce sens et que je n'ai pas le temps de développer ici, je ne prétends évidemment pas que ce soit toujours vrai etc.
Ce qu'on voit dans le film Je verrai toujours vos visages auquel vous faites référence, me semble valider ces trois points. L'actrice est remarquable, pour ça. Et la réal aussi : pas de hasard pour moi qu'elle ait choisi d'employer ce verbe dans son titre. J'avance tout cela avec du doute, mais de la confiance aussi dans mes expériences et celles d'autres que moi. L'autre confrontation - pour le coup "non-personnelle" du film, je veux dire entre des victimes et des auteurs d'actes similaires mais qui ne se sont jamais rencontrés, ouvre encore un autre champ de recherche psychique et sociopolitique
Tout cela partagé un peu trop vite sans doute, et dialogue ouvert si intérêt réciproque

Dieudonné Wed 2 Apr 2025 8:47PM
@Luce, désolé si j'ai donné l'impression que j'essayais de convaincre de comprendre les choses comme moi. Cet entretien n'est qu'un témoignage de ce qui m'a touché et de ce que je crois en avoir compris. C'est bien-sûr complètement ok pour moi que d'autres personnes ne comprennent pas les choses comme moi.
Je nous vois tous comme des étudiants de la vie nous témoignant mutuellement de nos apprentissages : )
Luce Wed 2 Apr 2025 8:42AM
Merci je les ai vu. J'ai l'impression que ta réponse sous-entend que je n'ai pas compris parce que je ne vais pas dans le même sens. Mon commentaire prend sa source dans l'approche proposée par la méthode dont s'est inspirée la médiation dans le film Je verrais toujours vos visages et qui se développe en justice réparatrice au Québec depuis près de vingt ans. La critique de l'humanisme de certaines approches (dont la CNV) est l'objet de beaucoup d'études en victimologie et criminologie, je crois que ces milieux gagneraient à s'y intéresser. C'était pour tenter mais tant pis !

Dieudonné Wed 2 Apr 2025 7:38AM
@Luce merci d'avoir partagé ces retours. La première idée qui me vient pour peut-être mieux réussir à illustrer ce dont j'ai essayé de parler, c'est de suggérer de voir les films que je cite à la fin de l'entretien sur l'avant dernière diapo du diaporama et dont les liens sont indiqués sur cette page :
Je vous ai partagé ce qui m'a touché personnellement dans ces témoignages, et je comprends et j'accepte complètement que ça ne soit pas le cas pour d'autres.
Luce Tue 1 Apr 2025 6:57PM
Bonjour. J'ai écouté quelques minutes des vidéos publiées, par curiosité pour ce que proposent les cercles restauratifs en 2025, car ça fait longtemps que je suis sur ce fil, mais belle lurette que je n'y avais plus prêté l'oreille. J'ai été très interpellée des quelques minutes (20' à 23') du deuxième épisode que j'ai écouté au hasard (hasard...?!) alors j'ose une réaction ici, au cas où ça allume une petite lumière utile quelque part. C'est à propos d'un exemple de médiation conduite par Marshall Rosenberg entre l'auteur d'un viol et la victime. La loi Taubira de 2014 préconise d'éviter la mise en présence des auteurs de violence sexuelles avec les victimes pour éviter les retraumatismes (que ce soit en confrontation dans le cadre d'une procédure judiciaire ou d'une médiation). Marshall Rosenberg étant de la génération pré-metoo, on peut comprendre son époque et ses choix de médier l'auteur d'un viol et une victime ensemble, mais continuer d'en faire l'éloge aujourd'hui me paraît dépassé. Il a été observé (cf études féministes et criminologiques) que mettre la victime en situation d'empathie avec l'auteur des violences qu'elle a vécu pouvait très très très souvent contribuer à la re-traumatiser : puisqu'en arrivant à trouver du sens au comportement violent, à lui trouver une source et une raison, cela pouvait renforcer son déni des impacts sur elle créer une distorsion cognitive/affective avec ses ressentis et invalider sa souffrance. Par ailleurs, il y a un déjà problème éthique (d'ordre féministe) à utiliser la parole de la victime (en lui donnant de l'empathie devant la personne qui l'a violé) pour que cela touche la personne qui a violé et suscite en elle de l'empathie et/ou de la culpabilité et/ou de la prise de conscience sur l'origine de ses actes. C'est demander à la victime de montrer ses tripes pour aider l'auteur. Le focus n'est pas sur elle, mais sur lui. Pourquoi ne pas aider l'auteur à trouver les moyens de pouvoir être empathique sans que ce soit la victime elle-même qui soit mise à contribution pour cette reconnexion à lui-même ? Ensuite, deuxième problème, on considère ici assez simplement (naïvement ? idéalistement ?) que c'est par l'empathie ressentie pour l'auteur que la victime est réparée, comme si sa réparation découlait forcément d'un besoin de comprendre l'auteur. Vraiment ? Toujours ? De manière systématique et universelle ? Toutes les victimes ont besoin de ça ? Leur a-t-on vraiment demandé ce qu'elle veulent ? Ou ne sommes nous pas un peu enfermés dans un idéalisme (= il n'y a au fond que de la "beauté" et des "beaux besoins") qui nous pousse à vouloir orchestrer ce genre de réparation/médiation ? Je ne suis pas sûre que toutes les mères dont l'enfant à été torturé et découpé en morceaux se sentent réparées d'avoir vu la beauté derrière de tels gestes. Certaines peut-être. D'autres pas du tout. Peut être même que de voir cette "beauté" détruit encore plus, et que la tragédie qu'il y a du beau derrière l'horreur abîme encore plus la psyché, le cœur, l'espoir. Peut-être que cette "beauté" ravage. Peut-être que ce qui répare chaque victime est autre chose de très personnel et propre à chacune. Se peut-il que la volonté de révéler cette "beauté" ne découle en réalité surtout d'un besoin des médiateurices ? D'être rassuré qu'il existe de la beauté derrière l'insupportable, et de conforter leur vision idéaliste du monde ? Les victimes étant déjà les grandes oubliées du système judiciaire (qui se préoccupe des actes des auteurs vis-à-vis de la loi et de savoir si on les puni ou pas, jamais sur comment on les répare elles) ça pourrait être intéressant de s’intéresser à ce dont elles ont vraiment besoin, sans présupposer que de se connecter avec les entrailles émotionnelles de leur bourreau leur fasse du bien. Ça pourrait être intéressant qu'on prenne soin des bourreaux sans que ça coûte aux victimes. Je ne suis pas une grande défenseuse de cette loi 2014, je pense qu'on peut vraiment faire se rencontrer victime/auteur mais en ayant pour focus les besoins réels des victimes et des auteurs, que ceux-ci soient compatibles (que tout le monde ait vraiment envie d'entre tout le monde par exemple) et surtout détachés d'un idéal de beauté poursuivit par le/la médiateurice. A+

Dieudonné Tue 1 Apr 2025 6:34AM
@Amans Comme je te l'ai dit, je suis partant pour une nouvelle discussion de vive voix. Par contre, je ne suis pas encore assez confiant en ce que je vais pouvoir dire de si intéressant que je voudrais en faire une vidéo 😉
Pour le choix du ou des sujets, je choisi de faire confiance à ce qui nous viendra sur le moment 🙏
Amans Tue 1 Apr 2025 2:52AM
@Dieudonné En attendant donc, je suis volontiers partant pour une longue discussion sur au moins un de ces sujets ^^ s'il y en a qui est vivant pour toi par exemple. Par écrit (avec l'idée que peut-être d'autres que nous deux lisent ce forum et y font leur miel ?) ou de vive voix à condition de trouver de nouveau une heure de dispo commune - auquel cas on peut aussi s'enregistrer d'ailleurs, si on veut que ça puisse servir à d'autres.
Amans Sun 30 Mar 2025 4:06AM
@Dieudonné Comme je te disais au téléphone, notre groupe de soutien et de pratique mensuel prend plus de temps pour se consolider que ce qu'on eut cru, et ça nous semble plus juste d'organiser des rencontres - francophones plutôt que nationales eh - collectivement. Mais on y pense 🙂
Bisbau Jocelyne · Wed 2 Apr 2025 9:09AM
La recherche c'est chercher, expérimenter...avec des risques...
Peut-être que le chemin est différent pour chacune, chacun tout comme les besoins, les envies...
Qu'est ce qui est important pour moi dans ce que je propose à l'autre et qui est bon, acceptable pour lui?
Il me semble qu'avoir une conscience de là où je suis peut m'aider à être avec l'autre, si cet autre croise mon chemin...c'est pour moi le mystère de la rencontre où je vais devoir faire des choix pour moi et pour la relation si celle-ci a du sens tout en laissant l'autre libre de ses choix.
En tant que victime je n'ai pas choisi de revoir cet autre qui fait partie de mon histoire, pas de ma vie.
Par contre me confronter au conflit représenté par une personne reste un défi qui souvent m'épuise et m'attriste.
J'ai l'idée que l'affectif, les sentiments, mes sentiments, mes émotions compliquent la chose.
Comment y voir plus clair?
Un cercle, de l'écoute empathique, une confrontation, la justice... voir restaurative ou autre?
Le menu propose des choix pour chacun, chacune qui ont du sens à un moment donné, qui va faire une histoire sans faire l'histoire. Ce sera mon chemin de vie, mon histoire à partager, à raconter qui en plus bougera selon les moments, l'époque, le contexte et l'environnement... Équilibre fragile, magique et merveilleux du vivant sur le fil de nos vies!
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---------- Forwarded message --------- De : Jocelyne BISBAU <jocelyne.bisbau@gmail.com> Date: mer. 2 avr. 2025 à 07:42 Subject: Re: Hier sur Framavox To: Framavox <notifications@framavox.org>
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