Framavox
Sun 30 Mar 2025 4:13AM

Cancel culture

A Amans Public Seen by 88

Beaucoup de conflits contemporains sont liés à des phénomènes de canceling... connaître ces processus fait sens pour nous

A

Amans Sun 30 Mar 2025 4:17AM

Je partage avec vous ici un doc que j'ai par ailleurs mis en ligne sur le wiki/g... n'hésitez pas à me faire signe si vous voulez que je vous l'envoie

Les biais du canceling

#cancelculture #callout #ghosting* #annulation #dénonciation

Je1 reformule ici point par point l’ouvrage de l’américaine Nathalie Wynn dans une vidéo2 de 2020, sous-titrée en français, qui a quelques centaines de milliers de vues. La vidéo parle aussi de transidentités, de réseaux sociaux en général et de culture contemporaine (et de Contrapoints elle-même) mais son sujet central est donc de relever les différents points qui posent problème dans la façon dont parfois.

Il est aussi des cas ou les call-out me semblent plutôt de « bonnes choses » dans un espace sociopolitique hyper-oppressif et complexe, et dans « nos » collectifs, l’exclusion conditionnée ou le partage strict des lieux de fréquentation peuvent parfois être des solutions utiles pour gérer des conflits douloureux.

1. Présomption de culpabilité

« Croire les victimes » n'empêche pas de considérer qu'elles ont un point de vue situé… tout comme leurs agresseureuses. Se rappeler que tout le monde est capable de pratiquer l'abus.

No one is innocent, but everyone's not guilty3

2. Abstraction

Passer de « X a fait telles choses, à tel endroit ou dans telle situation » à « X fait souvent / toujours ce genre de trucs » n’est pas juste parce que pas toujours vrai.

3. Essentialisme

Passer de « Y fait souvent ce genre de trucs » à « Y est … » (un prédateur, un meurtrier, un assassin, une salope etc.) n’est pas juste parce que jamais complètement vrai (et parfois relativement faux).

4. Pseudo-moralisme / pseudo intellectualisme

« Si vous regardez le monde dans lequel nous sommes, diriez-vous que les gens sont en général motivé-es par un sens d’intégrité morale et par la rigueur intellectuelle ? Non, peut-être pas. »

5. Pas de pardon

Lorsque des personnes qui ont été à l’origine de violences ou de comportements inappropriés témoignent non seulement de leurs regrets et de leur compassion pour les victimes, mais aussi d’une compréhension globale de ce en quoi il s’agissait de violences, ou de ce en quoi les comportements étaient inappropriés, ça ne change rien à la façon dont on les considère (voire, on ne les croit pas).

6. Contagion

Si tu prends la défense de quelqu’un-e qui a été cancel, tu risques bien de te retrouver toi aussi cancel. Du coup, mieux vaut cancel, toi aussi – ou ignorer. Cercle vicieux, qui confine parfois à l’absurdité.

7. Dualisme

« De quel côté êtes vous ? » Nous sommes toustes invité-es à nous positionner par rapport à une histoire dont souvent, nous ne savons pas grand-chose, et dont les principaux protagonistes elleux-mêmes préfèreraient parfois qu’elles ne soient pas, ou plus, un sujet sur lequel chacun-e se prononce en fonction de sa propre histoire & systèmes d’appartenance.

Nathalie Wynn boucle sa vidéo en parlant – de sa propre expérience – de la souffrance intense générée par un phénomène massif d’exclusion sociale ou de harcèlement par le biais des réseaux sociaux – qui peut aller, bien plus vite que beaucoup ne le pensent, jusqu’au suicide. C’est aussi un des sujets du livre de Virginie Despentes Cher connard, dont je ne peux que recommander la lecture !

*

* J’hésite par exemple à rajouter #silenciation dans cette liste, mais je crains que de voir là ce mot, qui est associé habituellement aux voies collectives des personnes opprimées, puisse passer pour une provocation – alors que l’idée serait au contraire de témoigner de ce comment les violences s’opèrent parfois en miroir, pour faciliter l’empathie. J’ai hésitté aussi à employer ce dernier mot, souvent connoté « développement personnel », dans ce texte.

Vos points de vue sont tous bienvenus, je préfère les expressions attentives.

Amans / lapetitefamille@no-log.org / www.lesuperflux.fr

1 Je précise que je revendique et incarne de mon mieux au quotidien une identité « woke ». Je pratique aussi les collectifs depuis belle lurette, j’y explore avec des camarades la justice transformatrice, communautaire, coopérative etc. et plus généralement l’intelligence collective. Mais peu importe « je » : comme Contrapoints et bien d’autres, je rejoins dans l’ensemble ce qu’observe Elsa Deck-Marsault dans son livre Faire justice : de même que la guillotine change la donne quand la justice d’état est insuffisante ou incompétente (et c'est souvent le cas concernant les #VSS, et #metoo est évidemment une avancée extra…), les mesures d’exclusion sociales – mort symbolique – peuvent aussi devenir un outil de fascination sadique ou de prise de pouvoir.

Que la justice pénale soit globalement contreproductive, c'est un fait, démontrée scientifiquement – même si bien des gens qui y bossent font de leur mieux, que ça peut toujours être pire etc. Il nous faut construire de vraies alternatives, si nous voulons la paix sur terre. Je crois qu’elles doivent être fondées sur de la conscience systémique (et en particulier une fine compréhension des oppressions & des dynamiques de psychologie sociale), sur le dialogue avant tout, et sur des réponses compréhensives, fiables, pérennes et pragmatiques. Comme bien d’autres j’ai écrit par ailleurs sur ces sujets, et serai ravi de partager des ressources avec vous sur ces thèmes.

2 https://www.youtube.com/watch?v=OjMPJVmXxV8

3 Personne n’est innocent mais tout le monde n’est pas coupable.