Thu 29 Aug 2019 8:03PM
Commission d'enquête
"Nous appelons l’ensemble des citoyens à se joindre au mouvement social pour dénoncer la dérive autoritaire du gouvernement et nous exigeons la démission de M. Castaner ainsi que l’ouverture d’une commission d’enquête indépendante afin de faire la lumière sur les dérives des vrais responsables de sorte qu’ils soient traduits en justice" (Extrait du texte pétition "Nous accusons"). Ce fil est dédié à toutes les contributions visant à permettre la mise en place d'une commission d'enquête indépendante. Le groupe enseignement-recherche dispose d'un groupe de travail sur le sujet. Dans ce fil, vous pouvez contribuer, apporter des témoignages sur la violence d'état et demander, de façon motivée, à prendre part au travaux du groupe.
Pourcher · Mon 9 Sep 2019 8:06PM
En illustration de mes propos cet article de Mediapart sur la souffrance des agents de l'ordre.
:A Montpellier, la police face à son «management brutal»
9 SEPTEMBRE 2019 PAR LORRIE LE GAC ET BENJAMIN TÉOULE (LE D'OC)
Quatre mois sont passés depuis le suicide de la capitaine Élisabeth Gabet sur son lieu de travail, à Montpellier. Le syndicat Unité SGP Police-Force ouvrière pointe des dysfonctionnements dans le management du personnel.
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De notre partenaire à Montpellier, le d’Oc.– Au commissariat central de Montpellier, un peu plus de quatre mois après le suicide de leur collègue dans son bureau, la plupart des fonctionnaires de police préféreraient tourner la page. Mais difficile de se comporter comme si le drame n’avait jamais eu lieu. Comme si la disparition du capitaine Élisabeth Gabet, mère de deux enfants résidant à Lattes, ne s’inscrivait pas dans une situation nationale tendue, amplifiée par un environnement local bien conflictuel.
Avril 2019. Les fonctionnaires de police se réunissent en silence devant le commissariat central de Montpellier pour honorer la mémoire de leur collègue. © Xavier Malafosse
Avril 2019. Les fonctionnaires de police se réunissent en silence devant le commissariat central de Montpellier pour honorer la mémoire de leur collègue. © Xavier Malafosse
Après les obsèques, une cellule de veille a été mise en place par la direction départementale de la sécurité publique de l’Hérault (DDSP 34). Trois réunions ont donc eu lieu avec différents responsables, des représentants du personnel administratif et du corps syndical. Pourtant, sur cette affaire toute la lumière n’a pas encore été faite. Encore moins sur le contexte dans lequel l’officier a décidé de mettre fin à sa vie.
Une enquête judiciaire ainsi qu’une enquête administrative de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) sont toujours en cours. De leur côté, les délégués syndicaux Unité SGP Police-FO, largement majoritaires dans l’Hérault, ont sollicité leur fédération nationale pour la tenue d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) extraordinaire. Il s'est réuni pour trois jours à Montpellier le mercredi 4 septembre. Cette commission exceptionnelle est présidée par le préfet du département.
Le suicide d’un policier n’est pas forcément suivi d’une telle procédure. « Ce n’est pas habituel pour nous », confirme d’ailleurs au d’Oc Bruno Mengibar pour Unité SGP Police-FO dans l’Hérault. Il s’agit même d’une première en province. Et le représentant syndical d’expliquer : « Le but est de démontrer qu’ici le volet professionnel est très lourd, qu’il est devenu un danger pour les collègues en place. Nous souffrons d’une politique de management brutal et agressif. Il faut donc éviter de nouveaux drames. »
Pour que l’opération soit la plus pertinente, un appel à témoignages a été lancé. Mais sans vraiment prendre de précautions avec la préservation de l’anonymat. Selon Bruno Mengibar, « la direction a voulu répertorier les gens qui souhaitaient être entendus ». En effet, les agents qui désiraient s’exprimer devant la délégation parisienne devaient s’inscrire sur des listes accessibles à l’ensemble des membres qui siègent dans la commission. Ainsi, tout le monde ne se précipitera pas pour être auditionné. « Il y a la crainte d’une répression administrative, une chasse aux sorcières. Même si certains souffrent, ils s’enferment dans une forme de mutisme. Désabusés, ils se demandent à quoi tout cela va servir, le risque sera-t-il bénéfique ? », raconte un fonctionnaire de police montpelliérain.
Dans le même temps, la direction des ressources et des compétences de la police nationale a envoyé un questionnaire pour sonder le moral de ses troupes. Mais là encore, ce « baromètre social » ne garantit pas l’anonymat. Sexe, année de naissance, nombre d’enfants, situation familiale, corps professionnel d’appartenance, date d’entrée… Le cumul des réponses permet au rédacteur d’être facilement identifié.
La parole parviendra-t-elle pourtant à se libérer ? « Nous l’espérons par respect pour Élisabeth », affirme Yann Bastière, référent national investigation pour SGP Police-FO. Car pour plusieurs agents, même s’il faut rester toujours mesuré sur les causes qui ont motivé la capitaine de police à se tirer une balle en plein cœur, elle a tout de même réalisé cet acte sur son lieu de travail avec son arme de service. Le doute persiste donc sur un éventuel lien entre sa détresse et le malaise au travail subi par de nombreux policiers. « Il y a forcément un message lourd et important surtout lorsque l’on prend son service. Les problèmes personnels ont bon dos », dénonçait Bruno Bartoccetti sur France Bleu Hérault le 19 avril dernier. Depuis plusieurs semaines, le numéro un du syndicat Unité SGP Police-FO dans le grand Sud pointe « un climat de tensions inédit dans l’Hérault ».
Pendant près d’une année, Élisabeth Gabet attendait un avancement : obtenir le grade de commandant et éventuellement assurer la responsabilité de la nouvelle unité de lutte contre le trafic de stupéfiants et l’économie souterraine à Montpellier. En vain…
Selon les informations du d’Oc, depuis janvier 2019, on compte plus d’une quarantaine de fonctionnaires de police qui se sont mis en arrêt maladie, principalement pour burn-out. Un chiffre d’autant plus significatif que les demandes de consultation en dehors des visites réglementaires du seul médecin de prévention du département se multiplient. Il existe bien la présence d’une psychologue mais là encore, elle est seule à exercer pour tout l’effectif héraultais.
Sous le feu des critiques, on retrouve le directeur de la sûreté départementale Patrice Buil. « Autoritariste », « ne parvenant à s’imposer que par la pression », « déconnecté de la base »… Comme l’a écrit Le Point le 21 avril dernier, Élisabeth Gabet se serait insurgée à plusieurs reprises contre ce fonctionnement, s’opposant notamment au déménagement de bureaux de certains de ses collègues alors que ceux-ci étaient en vacances. « Elle faisait tampon, encaissait les violences verbales, en protégeant ses subordonnés », se souvient même l’un de ses proches.
Le commissaire Patrice Buil est également à l’origine de la réorganisation du travail controversée pour le service investigation. Une réforme unique en France, qui illustrerait selon plusieurs agents « les décisions administratives prises par le haut » et « sans concertation ». Car aucun délai n’a été fixé en amont pour évaluer l’expérimentation de la mesure, qui n’a jamais été présentée en comité technique. Il s’agit de la création d’un groupe de permanence pour réagir rapidement aux délits commis. Des enquêteurs sont ainsi mobilisés de 12 heures à 20 heures, contraints de délaisser leurs affaires en cours. Ce nouveau procédé vient en plus des traditionnelles astreintes la nuit et les week-ends. Les enquêteurs concernés par cette réforme regrettent « une perte d’efficacité qui génère une fatigue chronique, et des conséquences néfastes sur les vies personnelles ».
Dans le collimateur d’un grand nombre de fonctionnaires : le management du directeur de la DDSP 34 Jean-Michel Porez. « Nous avons l’impression qu’il crée de l’iniquité pour pouvoir mieux diriger », juge Yann Bastière. Depuis plusieurs mois, la relation avec le syndicat n’a cessé de se dégrader. Au point d’être devenue quasiment inexistante. « La charte du dialogue social instaurée par le ministère de l’intérieur en 2011 est ici complètement bafouée », relate au d’Oc Bruno Bartoccetti. Selon plusieurs observateurs, Jean-Michel Porez aurait « une aversion pour la presse, l’administration centrale, les syndicats, la justice… ». En interne, quand les voix ne s’élèvent pas pour dénoncer ces méthodes, les agents se replient et se mettent en arrêt.
En place à Montpellier depuis 2012, le contrôleur général Jean-Michel Porez a traversé tant bien que mal le mouvement national des policiers en colère, les vagues d’arrêts maladie à Sète et Agde en 2017, puis aujourd’hui le suicide. Lundi 9 septembre, il prendra ses nouvelles fonctions à Toulon, dans le Var, où il occupera les mêmes responsabilités qu’à l’heure actuelle.