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Tous ensemble - lobbys pharmaceutique

Le lobbying des laboratoires pharmaceutiques se porte bien au sein de l'Union européenne. Voire de mieux en mieux, si l'on en croit la dernière étude de l'organisation Corporate Europe Observatory (CEO), qui analyse le travail concret des lobbys, réalisée à partir du registre de transparence de l'UE et publiée la semaine dernière. Elle indique que les dix industriels les plus dépensiers en la matière* y consacrent chaque année entre 14,6 et 16,3 millions d'euros. Qui plus est, cela représente 2 millions d'euros de plus qu'en 2015, lors de la précédente étude émanant de ce même groupe de recherche sur l'accès et l'influence des entreprises et lobbys sur le processus décisionnel de l'Union.

Les chiffres égrenés dans ce document sont impressionnants. À eux dix, les groupes cités disposent de 60 laissez-passer pour le Parlement européen et ils ont organisé 112 réunions avec des membres haut placés de la Commission européenne. Le budget annuel de lobbying de la seule Fédération européenne des industries et associations pharmaceutiques (EFPIA) atteint 5,5 millions d'euros, et même 6 millions si l'on ajoute ses deux sous-groupes, l'European Biopharmaceutical Enterprises et Vaccines Europe. Au total, les 3 organismes ont obtenu 42 réunions avec des commissaires, leurs cabinets ou leurs directeurs généraux, et disposent de 10 laissez-passer au Parlement européen.

L'EFPIA siège également dans 8 groupes de conseil à la Commission, qui fournissent aux législateurs leur expertise sur des questions politiques. Stefan Oschmann, son président (et patron de Merck KGaA), s'est récemment exprimé aux côtés d'un groupe de commissaires, dont le président Jean-Claude Juncker, lors d'une conférence de la Commission de haut niveau, peut-on lire. Les lobbyistes emploient de multiples armes : campagnes de communication, conférences et sommets dans lesquels s'expriment de nombreux « experts » proches de leur intérêt, expositions au sein du Parlement sur le thème « libérer les remèdes de demain » ou encore rapports destinés aux élus.

Messages alarmistes et hausses des prix
Selon l'étude, les industriels du médicament savent lancer des messages très alarmistes dès qu'un changement de réglementation ne se fait pas à son avantage et jouer sur l'émotion pour accentuer la pression, notamment autour des traitements de maladies rares. L'étude cite l'exemple de l'anticancéreux Glivec/Gleevec (imatinib, Novartis), commercialisé au prix de 100 000 dollars par an, qui a obtenu en Europe le statut de médicament orphelin pour six indications pour lesquelles le laboratoire est protégé par dix ans d'exclusivité. « Novartis a généré un chiffre d'affaires incroyable de 50,42 milliards de dollars grâce à Gleevec depuis 2001 », souligne l'observatoire CEO, qui déplore une hausse globale des prix privant de plus en plus de patients de traitements, y compris dans les pays les plus riches.

« Le régime que les Big Pharma essaient de protéger a entraîné une crise des prix élevés, laissant les patients sans accès aux médicaments dont ils ont besoin, alors que de plus en plus de nouveaux médicaments ont une valeur ajoutée quasi inexistante et que des domaines de recherche vitaux mais moins rentables sont négligés », conclut CEO. Il appelle à plus de vigilance des élus, de transparence sur les conflits d'intérêts et à davantage de discussions et de débats sur le retour sur les investissements publics, notamment dans la recherche.

Il s'agit de Novartis, Merck KGaA, GlaxoSmithKline (GSK), Amgen, Roche, Johnson & Johnson (J&J), Sanofi, Pfizer et MSD Europe (groupe Merck & Co), par ordre décroissant.