Framavox
Wed 20 May 2020 1:45PM

Thématique d'action : art

SF Se Fédérer Public Seen by 101

JD

jérôme dupeyrat Fri 5 Jun 2020 1:33PM

Que de points communs ! Outre le Snéad-CGT (un syndicat inter-professionnel des salarié·es des écoles supérieures d’art), je suis aussi adhérent à la LDH (surtout actif au sein de l'observatoire toulousains des pratiques policières, dont la LDH est l'un des organismes fondateurs).

Nous nous rejoignons sur beaucoup de sujets en effet. Espérons que d'autres personnes viennent alimenter cette discussion !

SS

Sophie Sainte-Marie Fri 5 Jun 2020 1:10PM

Tellement d'accord avec tout ce que vous dites...

Et certaines questions sont effectivement déclinables sur d'autres secteurs. La récente réforme du sport, avec la création de l'ANS, montre encore et toujours le chemin de la privatisation. Comme les universités, la santé et même, l'enseignement à distance promu par Agir pour l'école (on prend les mêmes qu'à l'Institut Montaigne et on recommence).

Sur le" revenu à vie" etc, je me permets de poser un lien vers un article de mon père qui a passé toute sa vie à défendre le Fédéralisme (régionaliste) et le Revenu social garanti https://www.multitudes.net/Treve-de-confusion/

Ce revenu n'empêcherait cependant pas que les diffuseurs et Organismes de gestion collectives s'enrichissent sur le dos des artistes-auteurs. Plusieurs combats à mener, donc.

Concernant le syndicalisme, comme les syndicats, par définition, ne peuvent avoir qu'un objet exclusif, la parole d'un syndicat, même de gauche, ne peut pas tout à fait s'émanciper de cet objet. C'est en réalité pour cela qu'à la dernière AG du Caap, nous avons décidé de changer de nom, le Comité des Artistes-Auteurs Plasticiens s'élargissant du même coup à tous les artistes-auteurs en devenant le Comité Pluridisciplinaire des Artistes-Auteurs et des Artistes-Autrices. L'objet reste syndical, mais il fédère tous les artistes-auteurs sans distinction sectorielle. Les luttes syndicales n'empêchent pas ses membres de militer ailleurs en leur nom propre, de mon côté, je suis donc aussi membre de la Ligue des Droits de l'Homme.

JD

jérôme dupeyrat Fri 5 Jun 2020 12:38PM

Je reprends le fil de l'échange et au vu de votre réponse puis de la discussion ci-dessus, au vu aussi de remarques que vous aviez faites précédemment, je pose hâtivement et en vrac quelques remarques :

  • Plus encore que l'intermittence (l'idée d'ouvrir celle-ci aux artistes est un sujet complexe je suis d'accord, qui n'a pas que des avantages, mais qui en a aussi — sans doute faudrait-il en redéfinir des paramètres d'application), le salaire à vie ne serait-il pas une solution pour assurer aux artistes et aux auteurs des conditions de vie dignes de ce nom, tout en reconnaissant la valeur et l'intérêt de leur travail, et ce à travers une solution qui ne serait donc pas propre aux artistes mais qui pourrait s'envisager à l'échelle de la société entière, ce qui éviterait de faire des artistes des gens si spéciaux quémandant un statut particulier pour récompenser leur rôle si original au sein de la société (je caricature à dessein) ?

  • Un gros problème que vous avez soulevé et sur lequel je vous rejoins : la confusion entre arts et culture d'une part, et industries culturelles d'une part. À vrai dire je ne rejette pas cette dernière, du moins les productions culturelles qui en émanent (comme tout le monde je regarde et j'apprécie des films — pas que "d'auteurs" —, des séries, des albums de musique, etc.) mais une politique culturelle pensée avant tout pour les industries ne créera pas des conditions de création, de diffusion et de réception satisfaisantes pour les formes de création et d'expression qui n'en relèvent pas.

  • Un autre gros problème, et là je me permets de citer l'appel "Bas les masques - arts et culture" : "Comme les animateur·rices et les travailleur·ses sociaux·ales le dénoncent elleux-mêmes, nous refusons d’être les agent·es du maintien de l’ordre social et culturel que le gouvernement nous impose. Si certain·es d'entre nous interviennent déjà dans les milieux scolaires mais aussi dans les milieux hospitaliers, carcéraux ou en Ehpad, il ne s'agit pas de remplacer les travailleur·ses sociaux·ales et culturel·les. Ce sont d'autres métiers. Par ailleurs, nous n'avons pas attendu le génie Macron pour sortir des théâtres, musées ou conservatoires et interroger nos pratiques."

    L'art à une fonction sociale, peut-même parfois une utilité sociale, mais certainement pas sur un mode utilitariste, quantifiable et évaluable, or les artistes sont de plus en plus sommés d'agir la où les pouvoirs publics ont échoué sur tous les autres plans, comme un cache-misère, or les structures sont de plus en plus assommées par des logiques de management toxiques et par des politiques culturelles néolibérales qui ne comprennent que le langage des indicateurs, du court terme, de l'innovation capitalisable (si ce n'est en terme financier, au moins en terme d'image), etc., etc., je présume que je n'apprends rien à personne ici...

    Toutes ces remarques un peu désordonnées pour dire que le sort des artistes-auteurs et celui du champ de l'art, dans toute son hétérogénéité, est profondément lié à des enjeux plus larges. Pour ce qui est des questions les plus importantes sur ce plan, je ne suis pas bien sûr qu'elle soient spécifiques au secteur artistique et culturelle, et pense plutôt qu'elles ne sont que les traductions, dans notre domaine, de questions qui concernent aussi les autres secteurs et l'ensemble de la société : la précarité, le partage des richesses, les formes d'organisation du travail, les priorités selon lesquelles on veut penser l'organisation de notre société, etc.

    La difficulté est aujourd'hui d'avancer concrètement sur nos droits, nos modes d'organisation, le rôle que l'on veut jouer (et y'a du boulot, ce n'est pas un syndicaliste qui dira le contraire), tout en se situant dans ce champ de réflexion et de luttes beaucoup plus large, alors que les artistes et les travailleurs de l'art se sont progressivement beaucoup trop isolés (ou laissés isolés) du reste de la société.

DU

Jean-Marc SAURET Fri 5 Jun 2020 12:15PM

Je vous entend tout à fait, d'où la nécessité de tout repenser globalement. On ne se débrouille pas morceaux par morceau.

Le 5 juin 2020 13:57, "Sophie Sainte-Marie (Framavox)" notifications@framavox.org a écrit :

SS

Sophie Sainte-Marie Fri 5 Jun 2020 11:57AM

Ce "d'abord" est un peu compliqué (et, de mon côté, je ne vis pas de produits "marchandisés", puisque les œuvres d'art sont des "produits de l'esprit" vendus en Bénéfices Non Commerciaux !) Mais je continue de penser qu'il y a à penser le monde en plusieurs étapes, la première, pour moi, est à l'intérieur d'un système qui pourrait mieux fonctionner et qui pourrait tout à fait englober, comme vous l'avez fait remarquer, des espaces différents - certains existent d'ailleurs déjà et encore, et s'essaiment grâce, notamment, aux FONDS de DOTATION mis en place par "LA TERRE EN COMMUN" qui rachète des terres pour les mettre en commun. Certains artistes-auteurs, dont je fais partie, soutiennent ou s'inspirent d'initiatives du genre. Mais on ne peut pas repenser la vie des artistes (auteurs ou interprètes) comme s'ils souhaitaient tous le même mode de vie. On ne peut pas non plus obliger les gens à changer leur vision de la culture. Et d'ailleurs, quels seraient les leviers dont on disposerait ? Une politique publique, c'est une chose qu'on met en œuvre. Donc, je me répète, la place de la Culture, le "commun" a tout à gagner à ce que nous, les artistes, auteurs ou interprètes, ne soyons plus dans la misère et d'une manière plus large, la question de la pauvreté, en France, est une question terrible ! J'ai travaillé dans des endroits, avec des adolescents, pour qui, en plus du matériel de dessin et de peinture, j'achetais, touts les jours, du pain et des tablettes de chocolat. ces jeunes avaient un téléphone portable, mais ils avaient quand même faim ! La culture, quand on a faim, quand on est mal logé, que ce soit en tant qu'artiste ou en tant que "public empêché" comme on dit, ne peut tout résoudre. Sans résoudre le problème de la pauvreté, de la survie, on ne résout rien, on se repose sur les bonnes volontés bénévoles.

DU

Jean-Marc SAURET Fri 5 Jun 2020 11:28AM

Tout ceci est bien vrai, Sophie ! La question des moyens est à repenser avec le projet de société, globalement. Voulons nous vivre de produits marchandisés, ou avons nous d'autres idées pour ça ? Oui, ça parait saugrenu comme assertion et il me semble que le premier socle à poser est bien celui là. D'ailleurs tu poses d'entrée la question de la survie et ce n'est pas anodin. C'est très juste. Faisons juste attention à ne pas reproduire le monde que l'on ne veut plus... Pensons ce monde d'abord...

Le vendredi 5 juin 2020 à 12:59:58 UTC+2, Sophie Sainte-Marie (Framavox) notifications@framavox.org a écrit :

SS

Sophie Sainte-Marie Fri 5 Jun 2020 10:59AM

C'est à dire que la question des moyens, c'est la question de savoir comment je mange, comment mangent les artistes ? A moins de renoncer à l'utilisation de la monnaie, je ne vois pas. Il existe, je le disais, une économie de l'œuvre, mais pas une économie de l'artiste. D'ailleurs, les artistes-auteurs travaillent sans jamais savoir quand est-ce qu'ils seront payés pour leur travail. C'est quand même le seul métier du monde où l'on peut gagner plus mort que vivant !

DU

Jean-Marc SAURET Fri 5 Jun 2020 10:28AM

Il serait peut être temps de raisonner autrement puisque nous ouvrons le temps d'après. Je reviens sur la question de fond : quelle est la place de l'artiste dans notre nouveau projet sociétal ? Devons nous toujours le penser comme un producteur de "produit" commercialisable (système néolibéral) ou comme tout un chacun à l'expression libre dans un collectif (monde libertaire) ? La question des moyens est un autre sujet qui dépend du monde que nous voulons, de l'économie que nous souhaitons...
Si on reste dans le commerce néolibéral, on en pâtira encore et toujours. Peut-être faudra-t-il définitivement en sortir et je le pense...

Le vendredi 5 juin 2020 à 11:21:38 UTC+2, Sophie Sainte-Marie (Framavox) notifications@framavox.org a écrit :

SS

Sophie Sainte-Marie Fri 5 Jun 2020 9:21AM

De mon côté, je suis syndiquée au Caap (en tant que plasticienne) . Ouah ! Deux artistes-auteurs syndiqués ! C'est pas comme si on était si nombreux que ça à même savoir qu'il existe des syndicats d'auteurs.

Pour moi, la question, finalement, est toujours la même, celle des moyens financiers. Le Budget de la culture grignote, année après année, sa part affectée à la création, ou, plus retors, y incorpore des budgets qui étaient précédemment dans une autre ligne budgétaire. (Le financement des syndicats, par exemple, est non seulement d'un montant honteusement bas, mais budgété dans cette partie "création", alors même qu'il vise à déléguer une mission d'information du ministère.) Or, il me semble que nous n'avons pas à choisir entre "communs" et soutien à la création, il faut faire les deux ! Faire connaître la déclaration de Fribourg et se battre pour les artistes-auteurs et artistes-interprètes, pour la pérennité des lieux, qu'ils soient institutionnels ou non.

Sur la gouvernance, je pense qu'on va en savoir plus très bientôt avec la nouvelle loi de décentralisation "3D". A mon avis, encore une fois, ce sera une question de moyens. La loi NOTRe a déjà changé la gouvernance institutionnelle et, par ailleurs, la Politique de la Ville (Etat, partenaires et communes ou autre collectivité territoriale) a repris à son compte (elle aussi), une partie du budget de la Culture. L'Etat est donc loin d'être le seul acteur public des politiques publiques culturelles, puisque la compétence culturelle est déjà une compétence partagée.

Sur le lien communs-culture-professionnels de la culture-maillage, un exemple très simple et très concret : tandis que le pass culture faisait son apparition, des postes de professeurs d'arts visuels disparaissaient dans les lycées. On ampute donc une partie du budget de l'enseignement (budget de l'Etat), dans le même temps, on baisse le budget de la Culture (encore l'Etat), mais ce sont les professionnels de la culture, et non plus les enseignants, qui doivent se charger des "communs". Pour ceux des professionnels de la culture qui sont aussi enseignants, c'est une perte sèche. Pour les industries culturelles, c'est une manne. Le problème va d'ailleurs s'accentuer avec "l'expérimentation 2S2C". Quand on sait que Edouard Philippe a clairement dit que l'expérimentation servait à contourner les lois et à pérenniser des actions, on ne peut que s'inquiéter.

Là, où peut-être, je ne vous rejoins pas, c'est qu'il me semble que ce que La Buse invisibilise, c'est que si les artistes-auteurs devenaient des intermittents, la politique culturelle serait alors une politique où la liberté d'expression (et à mon avis la liberté de création) serait de fait amputée. Je m'explique : Le ministère de la culture invite à sa table des "personnalités reconnues du monde de la culture", soit, mais ces personnalités n'ont pas de mandat. Elle ne peuvent donc ni s'informer de ce qui est nécessaire à l'intérêt général, ni transmettre les informations qu'elles ont obtenues à leurs membres, puisqu'elles n'en ont pas. Si, par chance, ces personnalités sont sympathiques, elles vont malgré tout tenter de porter une parole plus humaine, mais d'une part, c'est une chance et non le fait d'un mandat, et d'autre part et surtout, il y a là, de la part du ministère, une première censure qui peut être sociale (une personnalité qui a "réussit") ou esthétique (c'est un grand artiste, voilà donc l'art tel que nous le concevons), mais qui joue généralement (presque toujours même), en défaveur des "petits". Ce système, s'il était décliné en intermittence pour les artistes-auteurs, conduirait à une censure incroyable car qui déciderait de ce qu'est un artiste-auteur "professionnel". La magie du statut actuel, c'est qu'il est compatible et cumulable avec tout autre, même pour les fonctionnaires, qui pourtant ne peuvent, normalement, cumuler un autre emploi. C'est la fameuse liberté de création. Pour les communs, je ne vois donc pas ce qu'on aurait à y gagner. Au contraire, si on expliquait à chacun qu'il est libre de faire de la pâte à sel dans sa cuisine, mais que si, par chance, la mairie du coin veut l'exposer, elle doit le payer, plutôt que ce ne soit l'inverse, on aurait franchit un grand pas sur le thème du bénévolat ou pire, du bénévolat payant. Or il me semble que les communs, comme la démocratie, comme la culture, vivent entre autre sur le bénévolat qui n'est même pas défiscalisable, la proposition de loi en ce sens, en 2018, ayant été rejetée au motif que les 12 millions de bénévoles, en France, étaient heureux de faire ce qu'ils faisaient.

Les communs, n'est-ce pas avant tout une question de temps disponible et de liberté d'être au monde ?

JD

jérôme dupeyrat Fri 5 Jun 2020 7:51AM

Bonjour,

Deux appels unitaires différents réunissant de nombreuses organisations et individus ont été publiés cette semaine : d'une part "Bas les masques - arts et culture" http://www.blm-artsetculture.fr/, et d'autre part la pétition "Mesdames, Messieurs, les artistes-auteur•e•s réclament votre attention !" https://www.change.org/p/emmanuel-macron-mesdames-messieurs-les-artistes-auteur-e-s-r%C3%A9clament-votre-attention-cd18ea85-d6ce-4847-a440-73281c378231

En faisant écho à la discussion dans laquelle je me glisse, on pourrait résumer, de manière un peu réductrice, en disant que le premier est orientée La Buse (qui est parmi les premiers signataires aux côtés de collectifs intermittents, précaires, Gilets jaunes, groupes Art en Grève, syndicats, etc.), et le second orienté CAAP (signataire parmi des syndicats, associations professionnelles, lieux culturels, etc.).

La publication simultanée de ces deux textes est malencontreuse en terme de visibilité j'ai l'impression (j'ai signé les deux mais je suis personnellement plus concerné par le premier, le Syndicat national des écoles d'art et design - Snéad-CGT, dont je suis membre, étant parmi les premiers signataires). Ils ne s'opposent pas au demeurant, mais ils me semblent poursuivre des objectifs différents. La pétition vise à obtenir des mesures d'aide d'urgence solides pour les artistes-auteurs dans le cadre de l'épidémie et à instaurer à plus long terme une caisse de sécurité sociale des artistes-auteurs.

L'appel "Bas les masques - arts et culture" contient aussi des revendications concrètes qui sont énoncées dans le contexte de la crise causée par l'épidémie, mais de mon point de vue il vise plus largement à repolitiser la réflexion sur les revendications du secteur artistique et culturel, à rejoindre les luttes sociales en cours et en particulier celles de tou·tes les précaires, et à souligner la nécessité de changements sociétaux plus profonds — les artistes, auteurs, professionnels de l'art et de la culture ayant un rôle à jouer dans ce processus. En outre, cet appel n'est que la première étape d'un travail collectif qui se poursuit (un meeting unitaire aura lieu via le Club de Médiapart mardi prochain, des actions sont en cours de réflexion, etc.)

Dans ce large spectre que dessinent les mobilisations en cours du secteur artistique et culturel, une question que je me pose et qui me taraude en fait depuis plus longtemps, mais de plus en plus fortement, est la suivante : doit-on voir l'art et la culture comme un service public d'État (un service public tel qu'on les connait aujourd'hui), avec un maillage institutionnel et des dispositifs de soutien qui auraient bien besoin d'être consolidés parce qu'ils sont mis à mal par 30 ans de néolibéralisme, mais qui parfois y ont aussi contribué ? Ou faut-il considérer l'art et la culture comme un commun, au sens que l'on donne désormais à cette expression, ce qui pourrait avoir des incidences importantes en terme de politiques culturelles et même de conception de la place de l'art dans la société ? Dans le second cas, l'art et la culture serait plus que jamais liés à la fonction de service public en réalité, mais avec des modes de gouvernance, de gestion et de décision plus démocratiques, plus autogestionnaires, et avec des institutions qui sont peut-être même à inventer. Et je dois dire que j'entrevoie là quelque chose qui est potentiellement réjouissant, peut-être nécessaire, peut-être émancipateur, mais que je peine à mesurer l'ampleur de la question et à la traduire en réponses concrètes.

SS

Sophie Sainte-Marie Thu 4 Jun 2020 11:54AM

Bonjour,

Ce texte, comme ceux de La Buse, est très approximatif. Il occulte le fait que être intermittent, c'est avoir un lien de subordination, une hiérarchie.

Si les artistes-auteurs avaient un supérieur hiérarchique, ils ne seraient plus en mesure de créer en toute liberté. Qui d'ailleurs, serait leur supérieur ? En revanche, il est vrai que certains employeurs préfèrent utiliser les compétences de quelqu'un sans le salarier. Il y a donc des artistes-auteurs (c'est la dénomination de l'Urssaf), qui facturent un travail qui pourrait être salarié. Là, c'est du salariat déguisé. C'est à l'URSSAF de faire son boulot !

Pour revenir à l'idée d'un supérieur hiérarchique pour les activités de création, on peut imaginer de façon assez simple que si une collectivité territoriale était en charge de définir qui est créateur et qui ne l'est pas, ça poserait un vrai problème avec le code de la propriété intellectuelle. Et heureusement ! Un artiste-auteur est une personne qui crée des œuvres, sans œuvre, pas d'artiste-auteur. N''importe qui peut, s'il le veut, non seulement créer des œuvres, mais les vendre ou céder (pour une durée et sur un espace défini !), ses droits d'auteurs. S'il retire un bénéfice de de son travail, il doit payer des cotisations sociales. Comme beaucoup d'artistes-auteurs sont par ailleurs salariés, beaucoup ne demandent jamais quoique ce soit à ce régime dont les caisses sont pleines. Les artistes-auteurs, comme les salariés, sont au régime général de sécurité sociale. Un seul droit leur est absolument retiré, celui des maladies professionnelles et accidents du travail. C'est un vrai problème.

Ce qui est surtout un problème, c'est qu'on les paie mal ou peu ou pas pour leur travail. Si un peintre fait une exposition dans une mairie, la mairie ne le paie pas pour cela or c'est la loi ! Les écoles d'art enseigne peu ou pas les obligations et les droits sociaux, fiscaux et tout ce qui se rapporte à l'administratif.

L'autre problème, mis en lumière par le tout récent rapport Racine, c'est que les représentants syndicaux des artistes-auteurs sont évincés de la gouvernance de leur régime. Le paritarisme habituel, patrons/salariés, n'existe pas pour les AA (artistes-auteurs), mais ça n'empêche pas le fait que les syndicats d'AA eux, existent bien. Or les gouvernements confondent, au sens propre, syndicats et sociétés civiles en charge de la gestion des droits d'auteurs. La SACEM serait donc un syndicat ? Non, bien sûr que non. Un syndicat a comme objet exclusif l'étude et la défense des droits, ainsi que des intérêts matériels et moraux, collectifs et individuels des personnes visées par leurs statuts. Et non l'intérêt de ses membres ou pire, l'intérêt de ses membres les plus riches. La Sacem, la Scam, l'ADAGP, sont d'ailleurs inscrits comme "Représentant d'intérêts", c'est à dire comme lobbies. L'annuaire des Représentants d'intérêts, sur le site de la HATVP, indique les dépenses que ces OGC (Organisme de Gestion Collective) consacrent au lobbying. C'est effarant. Mais on comprend mieux que les parlementaires aient une information biaisée.

Le syndicat le plus actif du moment, c'est le Caap, Comité Pluridisciplinaire des Artistes-auteurs et des artistes-autrices. C'est le Caap qui a révélé le scandale de l'Agessa, le Caap qui a obtenu le droit à la formation professionnelle pour les artistes-auteurs. Le Caap est membre de la Fraap, Fédération des réseaux et associations d'artistes plasticiens. La Fraap est membre de l'UFISC. Le Caap est aussi membre de l'Usopave, Union des Syndicats et Organisations Professionnelles des Arts-Visuels et de l'Ecrit. Une intersyndicale semble prendre forme en ce moment. Plusieurs communiqués ont été réalisés ces derniers mois, il me semble qu'ils sont tous visibles sur le site de l'USOPAVE. (J'en ai mis un en pièce jointe.) Bref, des réseaux de résistance existent. La presse ne s'en fait guère le relais.

Le problème avec les syndicats de salariés, c'est qu'ils ne comprennent pas forcément les enjeux spécifiques des AA qui sont "assimilés professions libérales", tout en étant au régime général, tout en étant divisés en filières (suivant leur réseau de distribution). Dans ce millefeuille de la culture, tout le monde est bien sûr plus intéressé par l'industrie culturelle. Si vous n'êtes pas édité, vous n'existez pas beaucoup, sauf, si vous faites du "lien social" ou de l'événementiel (retombée économique pour le territoire). Vous n'existez tellement pas, que, en réalité, il faut se battre, avant tout, pour que les artistes-auteurs soient identifiés par l'Urssaf. Il faut que des statistiques existent sur le secteur de la création, sinon, on ne peut pas savoir combien de personnes cela concerne ni quelles sont les retombées économiques du secteur et encore moins les besoins réels des AA...

AM

Alain M Thu 4 Jun 2020 10:23AM

SS

Sophie Sainte-Marie Sat 23 May 2020 3:45PM

Concernant "l'art", l'économie de l'œuvre semble toujours plus intéressante que l'économie des artistes-auteurs et des artistes-interprètes. Ils sont mal recensés, les pouvoirs publics en profitent largement pour faire n'importe quoi. En ce moment, un projet de décret prévoit l'agrément d'un seul organisme de gestion sociale pour les artstes-auteurs. Ce serait l'Agessa, qui a déjà a son actif le scandale des retraites, puisque l'agessa avait "oublié" d'appeler certaines cotisations. dans le nouveau conseil d'administration de cet organisme de sécurité sociale, les Ministères de tutelle (Culture et Affaires sociales), nommeraient eux-mêmes les organisations (pas forcément professionnelles, car on dirait que les ministères confondent orga pro, c'est à dire syndicats, et Organismes de gestion collective). Il n'y aurait donc toujours pas d'élections professionnelles.

Il paraît important de remettre la parole des organisations représentatives (syndicales) au centre.

Un appel a récemment été signé par pas moins de 16 organisations pour demander que, conformément au rapport Racine, des élections professionnelles aient lieu.