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Euro et UE : rester ou sortir ?

F Fahim Public Seen by 20
SM

sylvie millara Wed 16 Jan 2019 12:01PM

pour se repérer qui dit quoi chez les économistes atterrés
Michel Husson contre la sortie de l'euro
Jm Harribey contre
cedric durand pour
J sapir (non membre des atterrés) pour

F

Fahim Wed 16 Jan 2019 12:29PM

Cédric Durand est en faveur d’une sortie de l’euro. En réalité, de nombreux économistes se sont prononcés pour une dissolution de la zone euro. Frédéric Lordon, David Cayla, Joseph Stiglitz etc. Sapir est loin d'être le seul.

S

Siegfried Wed 16 Jan 2019 12:48PM

Personnellement, je suis plutôt convaincu par les arguments de Cédric Durand et Frédéric Lordon. Mais se pose ensuite la question de la stratégie, et là je pense qu'il ne suffit pas de revendiquer une sortie de l'euro (et que cette revendication peut même être contre-productive si elle n'est pas sous-tendue par un projet social). Il faut présenter un projet de réformes sociales (augmentation du SMIC, nationalisations, sécurité sociale intégrale, services publics renforcés...) qui puisse être désirable par les citoyens, et préciser que ce projet a toutes les chances de se heurter à une impossibilité dans le cadre européen actuel, ce qui implique d'entrer dans un rapport de force face aux institutions européennes. Dès lors, il faut prévoir un scénario de mise en application de nos mesures sociales dans le cadre d'une désobéissance aux injonctions de Bruxelles et d'une renégociation des traités, et un scénario de sortie de l'euro, voire carrément de l'UE pour pouvoir appliquer ces mesures. Mais il ne faut pas que ce second scénario (ou plan B) ne soit qu'un coup de bluff. Il faut qu'il soit effectif.

F

Fahim Wed 16 Jan 2019 3:32PM

Personne n’a dit qu’une sortie de l’euro, à elle seule, était suffisante. Il s'agit d'une condition nécessaire mais certainement pas suffisante pour toutes nos revendications en matière économique et sociale. Mais elle demeure une condition absolument nécessaire. Concernant la renégociation des traités, je pense que le corps social n'est plus en mesure d'attendre une improbable renégociation. Il faut sortir de l'euro et s'affranchir des traités unilatéralement. Et pour que cette sortie ait toutes les chances de réussir, il faut élaborer un plan de sortie qui comprenne un calendrier de sortie comme il faut sensibiliser le plus grand nombre de gens à cette question pour que le moment venu, une vaste majorité soutienne le gouvernement dans son plan de sortie. Une sortie précipitée serait la pire des options. C'est d'ailleurs ce qui a dissuadé les dirigeants de Syriza en 2015 quand le moment de trancher est venu. Ils n'étaient pas du tout préparés pour une sortie de l'euro. C'est ce qui les a conduit à la trahison de leur peuple. Il n'y a qu'une seule politique qui vaille, c'est la politique de la vérité, disait Mehdi Ben Barka. Il faut informer les gens sur ces questions, et ne pas faire les choses dans leur dos.

S

Siegfried Wed 16 Jan 2019 4:59PM

C'est bien pourquoi il faut bien dire que le projet de société que nous défendons a de fortes chances de devoir en passer par une sortie de l'euro ou par une épreuve de force qui marquerait la fin de l'euro comme monnaie unique de la zone euro actuelle, et c'est bien pourquoi aussi il faut préparer minutieusement cette éventualité (ce qu'aucune formation politique à ce jour n'a fait sérieusement). Mais il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs en faisant de la sortie de l'euro l'objectif (même assorti de la mention "nécessaire mais pas suffisant"). D'une part parce que l'hypothèse d'une sortie de l'Allemagne de la zone euro ou d'une scission en deux zones n'est pas à exclure a priori. D'autre part parce qu'annoncer la sortie de l'euro comme objectif premier, c'est offrir sur un plateau aux tenants de l'ordolibéralisme l'occasion de nous repeindre en épouvantails avec force références à l'imbroglio anglais qui, pour l'heure, fait plutôt figure de repoussoir.

F

Fahim Wed 16 Jan 2019 5:25PM

C'est là où nous sommes en désaccord. Pour moi, il ne s'agit pas d'une éventualité mais d'une nécessité politique pour ce que nous souhaitons accomplir. Il faut le rappeler. Par ailleurs, je n'en ai jamais fait un objectif politique en soi. C'est parfaitement absurde. En quoi sortir d'une zone monétaire serait un programme politique désirable en soi ? Ça n'a pas de sens. Tu me fais dire des absurdités que je n'ai jamais dites. C'est bien à cause des effets qu'elle produit et du carcan qu'elle impose aux politiques économiques que nous voulons sortir de la zone euro. Quant au Royaume-Uni, son cas est bien spécifique puisqu'il n'a jamais adopté la monnaie unique. Et évitons de faire les relais des médias serviles qui avaient prédit les 10 plaies d’Égypte pour ce pays au lendemain du référendum sur le Brexit. Rien de catastrophique sur le plan économique ne s'est produit jusqu'à présent. Même si les dirigeants britanniques débattent encore des conditions dans lesquelles la sortie de l'UE devrait se faire. Mais laissons cette question particulière de côté. D'autre part, je ne vois pas en quoi la scission de la zone euro en deux zones distinctes suite à une sortie de la France serait le scénario le plus probable... Tu n'avances aucun argument en faveur de cette hypothèse. Ne jouons pas aux Cassandre et tenons-en nous au plus probable. Ce qui est quasi certain c'est que certaines forces sociales et les institutions européennes tenteront de faire foirer une sortie de l'euro. Par conséquent, il s'agit de s'y préparer et d'élaborer un plan de bataille pour avoir une longueur d'avance sur nos adversaires. Enfin, je suis en désaccord total avec toi concernant la stratégie électorale. Je maintiens qu'il est particulièrement essentiel que le corps électoral soit sensibilisé à cette question dès maintenant. Le soutien populaire en faveur d'une sortie sera un élément crucial dans la réussite d'une sortie.

F

Fahim Wed 16 Jan 2019 5:36PM

Ce que tu proposes en somme c'est d'enterrer cette question pour le moment. Eviter d'en parler dans la mesure du possible et engager la sortie au moment où la rupture avec les institutions sera consommée. Si c'est ce que tu proposes, peut-être que je me trompe, je pense que c'est malhonnête. Ça signifierait prendre des décisions sans avoir consulté les électeurs préalablement sur ce sujet. Et c'est suicidaire politiquement puisqu'au moment où un gvt décréterait une sortie de l'euro, l'opinion publique se retournerait contre lui pour la raison que j'ai indiquée précédemment ; au moment même où il aura le plus besoin de son soutien. Procéder de cette façon est suicidaire à mon avis : les gens en ont plus qu'assez des combines politiciennes à deux ronds.

S

Siegfried Thu 17 Jan 2019 11:19AM

Euh... Non, je ne propose pas du tout d'enterrer cette question ni de cacher quoi que ce soit, ni même de prendre des décisions sans avoir consulté les électeurs. Je dis qu'il faut proposer un projet de société, et contrairement à ce que tu m'imputes, ne pas cacher que la mise en place de ce projet peut aboutir à un rapport de force pouvant aller jusqu'à l'explosion de la zone euro ou la sortie de la France de celle-ci.
Là où nous divergeons, c'est que tu tiens pour acquis, si j'ai bien compris, que le scénario de la sortie solitaire unilatérale de l'euro (voire de l'UE ?) est le seul possible, et que c'est cela qui doit être mis en avant comme préalable à toute chose. Je pense que c'est une erreur stratégique. Car dans le discours, cela fait passer la sortie de l'euro avant le projet politique qu'elle pourrait permettre. Et cela aligne donc à mon avis dangereusement ce discours sur ceux qui fétichisent la question européenne et prônent l'alliance des souverainistes des deux rives, c'est-à-dire l'alliance de ceux qui prônent un projet social nécessitant un rapport de force avec l'UE avec ceux qui prônent une sortie nationaliste de l'UE afin de pouvoir mener tranquillement une politique xénophobe et favorable au capitalisme national. Les projets sont tellement opposés que ce qui reste d'une telle alliance, c'est uniquement le fétiche de la sortie de l'euro, chacun ayant intérêt à enterrer son propre projet pour ne pas briser l'alliance. Ce n'est peut-être pas ce que tu proposes toi (je ne sais pas), mais dans le paysage politique actuel en recomposition, plusieurs organisations ou groupes sont déjà sur cette ligne ou sont en train de s'y rallier. Personnellement, je m'oppose à cette stratégie.

Je pense au contraire qu'il faut parler du projet en premier lieu (et le rendre désirable) et préciser (sans évidemment le cacher le moins du monde) que ce projet conduira à un bouleversement incluant possiblement un changement de monnaie.
Ne pas faire de la sortie de l'euro un fétiche n'empêche nullement d'élaborer un plan sérieux d'affrontement incluant la sortie de l'euro. Voir cet excellent article du Monde diplo : https://www.monde-diplomatique.fr/2018/10/LAMBERT/59131
En voici un extrait :
"Évidemment, la monnaie unique vacille. Soit la France est expulsée de l’Union européenne pour non-respect des traités qui interdisent, par exemple, toute entrave à la libre circulation des capitaux (le principe même des mesures visant à lutter contre les marchés) ; soit l’euro vole en éclats sous les tensions financières que provoque la ruade française. À ce stade, deux scénarios se présentent : l’un optimiste, l’autre moins.

Idéalement, le moment politique que connaît la France trouve des échos à l’étranger. Qu’une crise similaire produise les mêmes effets ou que l’exemple français aiguillonne d’autres forces politiques, un groupe de pays basculent à leur tour. Ils élaborent avec Paris une stratégie en vue de se débarrasser de l’emprise des marchés et s’unissent pour se doter d’une monnaie commune permettant de protéger les monnaies nationales des marchés (5).

Mais rien ne garantit que d’autres peuples s’inspireraient — d’un même élan — de la détermination française. Paris pourrait donc demeurer isolé. Dans ce cas de figure, son éviction de la zone euro (qui interviendrait dès lors que la Banque de France imprimerait des billets sur ordre du gouvernement) ou l’effondrement de la monnaie unique provoque un retour au franc (les euros en circulation étant convertis à des conditions fixées par le pouvoir)."

On voit que dans ce scénario, la France n'a pas besoin de "sortir de l'euro". Elle mène une politique qui conduit à un changement monétaire et à son exclusion de la zone euro ou à l'éclatement de celle-ci. A ce titre, je réitère mon hypothèse selon laquelle l'Allemagne n'est pas forcément plus attachée que la France (mais pas pour les mêmes raisons) à un maintien à tout prix de la zone euro. C'est une analyse que d'autres ont faite : https://melenchon.fr/2018/05/30/ladieu-a-lallemagne/
Il me semble que dans "La malfaçon", Lordon explique bien aussi que l'Allemagne préférera faire exploser la zone euro plutôt que de céder sur son dogme monétaire. Bref, pourquoi faire un préalable à tout de la sortie d'une zone euro qui pourrait éclater d'elle-même du simple fait de la mise en application de la politique que nous souhaitons ?

Je trouve ce débat intéressant, mais je suis un peu mal à l'aise à ce sujet car il me semble que nous entrons là sur un terrain qui n'est pas celui des Gilets Jaunes. Tu dis bien que tu es en désaccord avec moi sur la "stratégie électorale", et tu as raison : le discours sur l'euro relève bien de la stratégie électorale, et nous pourrions opposer nos deux perspectives au sein d'une organisation concourant aux élections ou tout aussi bien nous trouver en concurrence électorale dans nos organisations respectives. Mais il me semble que les Gilets Jaunes ne sont pas une organisation politique à visée électorale (les rumeurs à ce sujet, émanant le plus souvent de personnalités marquées idéologiquement à l'extrême-droite instituées comme représentants des Gilets Jaunes par les médias et la macronie qui espère ainsi affaiblir ses adversaires lors des prochaines élections européennes). Du coup, je ne vois pas bien pourquoi nous entrerions en AG dans des débats sur la stratégie électorale et sur la stratégie à mener face à l'UE une fois que nous aurions conquis le pouvoir. Les Gilets Jaunes, pour le moment, ont plutôt vocation à poser des exigences sociales et démocratiques. C'est au pouvoir actuel qu'il appartient de gérer la contradiction entre ces revendications, de plus en plus pressantes et recevant un écho majoritaire dans le pays, et sa propre soumission à Bruxelles qui lui interdit de céder à de telles revendications. Cela dit, rien ne nous empêche d'évoquer dans nos revendications le fait qu'elles sont contraires aux dogmes en vigueur à l'échelon européen, mais je ne suis pas pour, par exemple, que "la sortie de l'euro" soit en elle-même une de ces revendications.

F

Fahim Thu 17 Jan 2019 1:33PM

Encore une fois, tu me prêtes des intentions qui ne sont absolument pas les miennes. A aucun moment, je n'ai dit que toutes les forces souverainistes (de droite comme de gauche) devaient s'allier dans un projet commun hostile à l'euro en particulier et aux institutions européennes en général. D'abord parce que l'extrême droite ne fait plus de la sortie de l'euro son cheval de bataille depuis les dernières élections. Et même si c'était le cas, ce serait suicidaire politiquement dans la mesure où l'on sait que l'extrême droite tente depuis quelques années de se faire passer pour une force politique favorable aux classes populaires alors que si l'on regarde concrètement ce qu'elle propose, on s'aperçoit qu'il s'agit tout simplement de la reconduction des politiques néolibérales. Sur ce point, on se rejoint complètement. Je ne suis pas du tout favorable à une alliance avec toutes les forces souverainistes comme avait pu le suggérer Jacques Sapir pendant un temps. Mais de manière générale, je pense que c'est une erreur totale que de se laisser pourrir nos débats par les récupérations opportunistes de nos thèmes par l'extrême droite. Il faut arrêter de se situer par rapport à eux. En quoi faire comprendre aux gens que la sortie de l'euro est une condition nécessaire à l'application de politiques économiques alternatives reviendrait à s'aligner sur les propositions du RN ? J'avoue que ces considérations me dépassent. Il est évident que notre manière d'envisager la sortie de l'euro est aux antipodes de ce qu'envisage (envisageait maintenant) l'extrême droite. Ils sont d'ailleurs incapables d'aligner un seul argument authentique en faveur de la sortie de l'euro quand on leur pose la question.

Je te rejoins également lorsqu'il s'agit de dire qu'il faut avant tout présenter un projet politique désirable pour les gens (assorti impérativement de sa condition de possibilité à savoir la sortie de l'euro bien entendu). Et je suis assez séduit par le champ des possibles dressé par Renaud Lambert. Mais dans les deux cas, je suis au regret de te dire qu'il s'agit d'un retour aux monnaies nationales... un autre nom donné à la sortie de l'euro. Même si le premier scénario, qui a notre préférence (un first best comme disent les économistes), conserverait l'euro comme monnaie commune. Mais il ne faut pas non plus se bercer d'illusions quant aux chances de réalisation de ce scénario. Il est fort peu probable que d'autres pays européens nous rejoignent dans cette aventure.

En ce qui concerne l'intérêt que l'Allemagne porte à la monnaie unique, il est indéniable qu'elle en profite bien davantage que la France. Je ne rejoins pas l'analyse de Lordon sur ce point. Jusqu'à une date récente, l'essentiel de son excédent commercial se réalisait sur le dos de ses partenaires membres de la zone euro. C'était une stratégie de politique économique délibérée de la part des dirigeants allemands dès le début des années 2000 pour contrecarrer le problème de financement des retraites. Je dois reconnaître cependant que cette tendance s'est légèrement inversée ces 5 dernières années en raison de la demande déprimée en Europe. En effet, l'Allemagne cumule toujours plus d'excédents sur le dos de partenaires commerciaux hors zone euro cette fois (notamment les US, j'ai jeté un oeil dernièrement sur les chiffres du commerce extérieur allemand).

Quant à la "stratégie électorale", je me suis peut-être mal exprimé. Mieux vaut parler de stratégie politique plutôt que de stratégie électorale puisque nous ne sommes tout simplement pas en période électorale. Mais cela n'exclut pas que les Gilets Jaunes s'emparent de cette question s'ils la considèrent comme essentielle. Et de fait, elle l'est. Je propose, enfin si c'est encore possible ou si les gens veulent bien en discuter, qu'on l'intègre dans notre liste de revendications.

S

Siegfried Thu 17 Jan 2019 3:01PM

Je ne suis pas si sûr que cela que nous ne soyons pas en période électorale. :-)
Pour le problème de confusion des souverainismes, je ne pensais pas spécifiquement au FN qui, effectivement, a considérablement revu son discours sur l'UE. Mais j'observe quelques mouvements du côté de groupes issus de la FI (partisans d'une hiérarchisation des luttes), de staliniens fans de Salvini (!), de membres de l'UPR, de la Nouvelle Action Française, du PARDEM, de Sapir... Personnellement, je souhaite soutenir une ligne politique qui se démarque clairement de cette mouvance que je juge glauque. Que la mise en oeuvre d'une politique véritablement sociale ait toutes les chances d'aboutir à un retour à une monnaie nationale avec ou sans monnaie commune, nous sommes d'accord là-dessus, mais cela reste une conséquence de la mise en oeuvre du plan et non pas un préalable, ne serait-ce que parce que, si l'on veut obtenir un consentement de la nation (par referendum évidemment) à une rupture, il faut en faire sentir la nécessité au moins par un premier train de mesures auxquelles Bruxelles et la BCE opposeront leur veto).
Je pense que c'est ainsi qu'il faut le présenter. Mais c'est bien dans une perspective électorale (de conquête du pouvoir par les élections) qu'un tel discours peut s'énoncer et non au sein d'une liste de revendications de Gilets Jaunes. Parce que quelle serait cette revendication, à côté du retour de l'ISF, de la hausse du SMIC, etc. ? Va-t-on dire : "nous Gilets Jaunes prônons de sortir de l'euro lorsque nous serons au pouvoir et que la BCE nous empêchera d'exercer le contrôle des capitaux rendu nécessaire par notre politique ?"
Ce serait vraiment mettre la charrue avant les boeufs. Du coup, quelle serait la revendication ? Simplement : "nous exigeons le retour au franc" ? Là, on tombe tout de suite dans le fétichisme.

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