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Wed 6 Mar 2024 8:39PM

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D Dragana Public Seen by 2

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La crise écologique est la plus grande menace pour la santé à laquelle l’humanité est confrontée (OMS). 

Face à ce constat alarmant, nous, médecins, acteur.ices de première ligne dans le domaine de la santé, nous retrouvons confronté.es à une double épreuve : celle de traiter les pathologies dans un monde en pleine mutation écologique et celle de gérer l'impact de cette crise sur nous-mêmes. L'éco-anxiété, parmi d'autres éco-émotions, devient un phénomène courant non seulement chez les patient.e.s mais aussi chez les soignants eux/elles-mêmes. Cette prise de conscience grandissante autour des enjeux climatiques et environnementaux interpelle sur la nécessité d'une introspection professionnelle et personnelle profonde.

Les mutations climatique affectent la santé, y compris celle des médecins. En tant qu’humain·es, nous sommes changé·es par ce qui nous traverse. Traversé·es par les bouleversements climatiques, nous subissons également les intempéries, l’augmentation du nombre de cancer, de stérilité, de pollutions... Et nous ressentons également différentes éco-émotions dont l’anxiété fait partie : la frustration, la rage, la déception, la peur, la tristesse, le désespoir, l’indifférence, l’optimisme, l’impuissance…

Ces émotions débordent la sphère intime et s’invitent dans la sphère professionnelle face aux différents déterminants de santé globaux et systémiques sur lesquels il semble parfois difficile d'agir et aussi face à la nécessité d'induire du changement chez nos patient·es pour tendre vers de nouveaux modes de vie respectueux des vivants.

La crise écologique génère des questionnements. Comme nos patient·es, nous pouvons nous interroger sur l’avenir de la planète, sur nos modes de vie, sur nos choix. Les mutations climatiques font apparaître les insuffisances sur nos modèles, nos pratiques, notre système de soin.

En tant que médecin européen·ne nous intéressant aux mutations climatiques, nous réalisons un paradoxe. Nos soins hypertechniques aident au maintien en vie et à l'augmentation de l'espérance de vie, mais génèrent pollutions et inégalités importantes de santé. Cela met en contradictions des valeurs : prendre soin et écologie. 

*Le milieu du soin n’est pas exempt de pollutions et d’émissions. S’il serait souhaitable que celles-ci soient les plus faibles possibles, nous pouvons nous demander si les limites écologiques dans les soins vont un jour se poser dans nos sociétés. Autrement dit, si nous devrons intégrer dans nos décisions de prise en charge l’aspect environnementale. Certain.es praticien.nes réfléchissent à des solutions pour limiter leur impact, telle une limitation de production de déchets au bloc opératoire par exemple, ou une déprescription de soins non nécessaires.

*Nos soins créent des inégalités géographiques importantes: les pays accueillant nos industries, nos déchets et les pollutions associées sont souvent les premiers à subir les conséquences des mutations climatiques. 

*Notre mode de vie et nos soins générateurs de pollutions questionne les conditions de vie sur terre pour les prochaines générations. Une surmortalité de plus en plus importante est prévue conjointement avec le franchissement des limites planétaires.  (donner une référence

La médecine contemporaine (qui commença après-guerre 1939-1945) partage la même histoire industrielle que l’agronomie moderne. On peut y voir des similitudes. Dans cette dernière, on identifie les besoins d’un végétal, d’un animal. On lui apporte en cas de risque des apports extrinsèques (engrais/alimentation enrichie) ou des médicaments préventifs (insecticides/antibiotiques). En cas de maladie, on traite. L’environnement devient secondaire et les monocultures sont la règle, entraînant un appauvrissement inquiétant des milieux.

Or, l’appauvrissement des sols, la désertification croissante à l’échelle planétaire, notre rapport industriel aux animaux, l’extinction des insectes et des oiseaux résonnent chez nous avec l’augmentation du nombre de dépressions, de burn out, l’explosion des maladies chroniques, des douleurs chroniques, la solitude et l’isolement d’une bonne partie des gens vus en consultation. L’accélération, le manque de moments de résonance produit·e·s par notre société moderne génèrent une insuffisance qualitative de vie, c’est à dire une vie appauvrie. 

Autrement dit, pour augmenter un quantitatif présent et spatialement défini (le nombre d’années en vie, le nombre de patient·e·s vu·e·s, l’argent économisé, le bénéfice des actionnaires de telle entreprise), nous décidons de sacrifier le qualitatif présent (consultations courtes, isolement social, hyperconnexion aux écrans, sens du travail, burn out) et le quantitatif/qualitatif futur (habitabilité de la terre remise en question, augmentation des inégalités sociales et des migrations, hypertechnicisation, crise démocratique, surmortalité, antibiorésistance).

Face à une qualité de vie en déclin, manifestée par des syndromes tels que le burn out ou les douleurs chroniques, le système médical actuel se heurte souvent à ses propres limites. La conception du corps humain comme une simple ressource à optimiser révèle ses insuffisances face à la complexité des maux engendrés par notre société contemporaine. Cette situation met en lumière les contradictions inhérentes à notre système de santé et à nos modes de vie, particulièrement à travers l'exigence souvent formulée du "retour au travail".

Cette injonction, perçue comme vitale pour l'équilibre sociétal et personnel, se trouve en réalité au cœur d'un paradoxe : c'est précisément l'intensité et les conditions de travail actuelles qui contribuent à l'érosion de cet équilibre. Le modèle dominant, qui valorise la performance et la productivité au détriment du bien-être individuel et collectif, suscite des interrogations profondes sur la pertinence et l'humanité de nos pratiques professionnelles et médicales.

Dans ce contexte, nous, les médecins, tout comme nos patients, sommes confronté.e.s à un défi de taille : comment concilier la nécessité de préserver la santé avec les impératifs d'un monde du travail de plus en plus exigeant ? Cette question soulève la nécessité d'une approche plus holistique et intégrative de la médecine, qui ne se limite pas à traiter les symptômes mais cherche à comprendre et à agir sur les causes profondes des malaises contemporains.

Que faire avec ces questionnements ?

Être soi-même traversé·e·s par ces éco-émotions et questionnements nous aident à accompagner les patient·e·s écoanxieux·ses.  S’être senti·e envahi·e par ces émotions, avoir ressenti de l’effroi, de la rage, de l’impuissance permet de les nommer finement, de saisir leurs origines par rapport à l'actualité climatique et finalement de trouver la juste distance, permet de retrouver des prises sur le réel plutôt que de s'enfermer dans une certaine apathie écologique : ‘c'est trop grave’, ‘trop grand’, ‘trop effrayant’. Nos émotions reprennent leur rôle originel : quels comportements, quelle mise en mouvement pourrais-je mettre en oeuvre pour agir face à l'urgence et en quelque sorte reconquérir ma liberté d’action, en conscience ? 

Avoir fait soi-même ce chemin permet de savoir nommer avec précision les éco-émotions de nos patient.es. Mettre des mots sur la souffrance permet aux patient·e·s de se sentir compris·es, accompagné·s. D’autant plus qu’une des "couches" de souffrance qui s'ajoutent à l'éco-anxiété est l'incompréhension des proches, générant un sentiment de rejet. 

Enfin, les émotions liées à cette prise de conscience, en se manifestant dans le cadre professionnel nous obligent à faire changer nos pratiques, nos modèles. En soulevant des interrogations profondes sur l'avenir et la pratique médicale, elles nous obligent à penser le changement de paradigme nécessaire pour nous montrer à la hauteur des enjeux. Partager ces questionnements et émotions avec d'autres médecins est essentiel pour permettre un soutien mutuel et co-créer un futur désirable.

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vers la fin il y a une version de ce texte mais je crains qu'il y abcp de répétitions et trop long...

Comment les aspects psychologiques de la crise écologique impactent les médecins eux-mêmes ?

La crise écologique est la plus grande menace pour la santé à laquelle l’humanité est confrontée (selon l’OMS). Soigner ou prendre soin dans un contexte global de changement climatique, de perte de biodiversité ou de pollution multiple, en sus des enjeux d'inégalités sociales et de crises politiques, présente de nombreux défis. Les médecins font face aux impacts directs et indirects des bouleversements écologiques, tant sur le plan physique que psychologique, tel l’éco-anxiété. Être médecin en 2024, bien conscient·e de ces menaces pour la santé ne laisse pas indifférent·e. Avant d'envisager apporter une "aide" aux patient·e·s souffrant d'éco-anxiété ou d'autres éco-émotions, il est peut-être judicieux de réaliser une introspection et se pencher sur ce qui nous traverse, nous médecins. Quelles transformations la crise écologique opère-t-elle chez nous ? Si être éco-anxieux relève plus d'une lucidité que d'un trouble psychologique, comment l'accepter et remplir sa mission de prendre soin ?

Les bouleversements climatiques représentent un déterminant majeur de santé, s’ajoutant à tous les autres : hérédité, comportement, mode de vie, niveau socio-économique, système familial, système social, ... Les médecins ont l'habitude d'être attentif·ve·s à ces déterminants, sources de ressources comme de souffrances. Iels doivent maintenant élargir leur vision au socio-écosystème plus vaste qui détermine aussi la santé et la résilience des personnes. Alors que les patient·e·s consultent parfois pour des motifs apparaissant de prime abord éloignés des préoccupations sociétales et climatiques, les médecins sont amené·e·s à appréhender les effets sur la santé des déreglements environnementaux, et à intégrer ces enjeux dans leur raisonnement clinique. Appréhender ces facteurs globaux complexes, à l’échelle individuelle ou collective, est un défi pour les médecins actuel·le·s.

La crise climatique affecte la santé mentale, y compris celle des médecins. En tant qu’humain·e·s, nous sommes changé·e·s par ce qui nous traverse. Traversés par les bouleversements climatiques, nous pouvons ressentir les différentes émotions dont l'éco-anxiété fait partie : l'éco-frustration, l'éco-rage, l'éco-déception, l'éco-peur, l'éco-tristesse, l'éco-désespoir, l'éco-indifférence, l'éco-lucidité, l'éco-optimisme et l’éco-impuissance. 

Ces émotions débordent la sphère intime et s’invitent dans la sphère professionnelle. Nous pouvons nous sentir impuissant·e·s face à tous ces déterminants de santé globaux et systémiques sur lesquels il semble parfois difficile d'agir, ou encore impuissant·e·s à induire du changement chez nos patient·e·s pour tendre vers de nouveaux modes de vie respectueux des vivants

Nous pouvons ressentir de la colère, de la déception face à certains comportements de nos patient·e·s, quand leurs sentiments et choix s’opposent à ceux qui nous guident : quand iels prennent l’avion, quand iels utilisent de l’eau de javel en désherbant, quand iels considèrent leur santé comme une ressource et les médecins comme des optimisateurs. Ou encore de la culpabilité de leur en vouloir, ou de céder à la facilité d’une prescription peu justifiée et polluante. Comment faire face à ces sentiments qui nous traversent ?

La crise écologique génère des questionnements. Comme nos patient·e·s, nous pouvons nous interroger sur l’avenir de la planète, la survie du vivant, nos modes de vie, nos choix. Des interrogations apparaissent sur notre médecine, nos modèles, nos pratiques, notre système de soin, (desquels) les mutations climatiques font apparaîtrent les insuffisances

La médecine contemporaine (qui commença après-guerre) partage la même histoire industrielle que l’agronomie moderne. On peut y voir des similitudes. Dans cette dernière, on identifie les besoins d’un végétal, d’un animal. On lui apporte en cas de risque des apports extrinsèques (engrais/alimentation enrichie) ou des médicaments préventifs (insecticides/antibiotiques). En cas de maladie, on traite. L’environnement devient secondaire et les monocultures sont la règle, entraînant un appauvrissement inquiétant des milieux.

Or, l’appauvrissement des sols, la désertification croissante à l’échelle planétaire, notre rapport industriel aux animaux, l’extinction des insectes et des oiseaux résonnent chez nous avec l’augmentation du nombre de dépressions, de burn out, l’explosion des maladies chroniques, des douleurs chroniques, la solitude et l’isolement d’une bonne partie des gens vus en consultation. L’accélération, le manque de moments de résonance produit·e·s par notre société moderne génèrent une insuffisance qualitative de vie, c’est à dire une vie appauvrie. 

Autrement dit, pour augmenter un quantitatif présent et spatialement défini (le nombre d’années en vie, le nombre de patient·e·s vu·e·s, l’argent économisé, le bénéfice des actionnaires de telle entreprise), nous décidons de sacrifier le qualitatif présent (consultations courtes, isolement social, hyperconnexion aux écrans, sens du travail, burn out) et le quantitatif/qualitatif futur (habitabilité de la terre remise en question, augmentation des inégalités sociales et des migrations, hypertechnicisation, crise démocratique, surmortalité, antibiorésistance).

Lorsque cette insuffisance qualitative de vie fait irruption dans nos consultations au travers des motifs tels le burn out ou les douleurs chroniques, notre médecine nous laisse parfois impuissant·e·s pour y faire face. Le modèle du corps comme ressource à modifier a ses limites. Des questionnements émergent sur l’injonction à l’accompagnement au « retour au travail », élément moderne essentiel à l’équilibre sociétal et personnel, quand c'est celui-ci même qui rompt cet équilibre.  Les patient·e·s figé·e·s dans leur problématique nous montrent à quels point les cadres existants qui sous-tendent nos pratiques sont dépassés. En médecine générale en France, les consultations de 15-20 minutes se succèdant au cours de la journée comme une course contre la montre semblent devenir désuets devant le mal-être, l'explosion des maladies chroniques, d'autant plus avec le dépassement de nos limites planétaires.

 De nouveau cadres de pensées sont nécessaires pour les accompagner. Comment passer à un modèle qui fait du changement, du mouvement le cœur de la prise en soin, aussi bien dans nos pratiques que dans la vie des patient·e·s ?

En tant que médecin européen·ne nous intéressant aux mutations climatiques, nous réalisons un paradoxe. Nos soins hypertechniques aident au maintien en vie et à l'augmentation de l'espérance de vie, mais génèrent pollutions et inégalités importantes de santé. Cela met en contradictions des valeurs : prendre soin et écologie. 

*Pollutions : Le milieu du soin n’est pas exempt de pollutions et d’émissions. S’il serait souhaitable que celles-ci soit les plus faibles possibles, nous pouvons nous demander si les limites écologiques dans les soins vont un jour se poser dans nos sociétés. Autrement dit, si nous devrons intégrer dans nos décisions de prise en charge l’aspect environnementale. Certain.e.s praticien.ne.s réfléchissent à des solutions pour limiter leur impact, telle une limitation de production de déchets au bloc opératoire par exemple, ou une déprescription de soins non nécessaires. 

*Inégalités géographiques : les pays accueillant nos industries, nos déchets et les pollutions associées sont souvent les premiers à subir les conséquences des mutations climatiques. 

*Inégalités temporelles : notre mode de vie et nos soins générateurs de pollutions questionne les conditions de vie sur terre pour les prochaines générations. Une surmortalité de plus en plus importante qui va conjointement avec le franchissement des limites planétaires est prévue (donner une référence).

Être traversé par ces émotions et questionnements:

Les interventions pour aider les patients éco-anxieux sont d'autant plus efficaces que le thérapeute a lui-même travaillé sur son vécu et peut avoir une résonance authentique avec les patient·es. Une des "couches" de souffrance qui s'ajoutent à l'éco-anxiété est l'incompréhension des proches, générant un sentiment de rejet : même si les patients n'attendent pas des médecins qu'ils suppriment le problème, il est important qu'ils perçoivent chez eux une reconnaissance de son importance et trouvent des pistes pour être accompagnés dans cette épreuve. La reconnaissance de la réalité de l'état de mal-être, la dénomination de celui-ci et l'espace d'écoute permettent d'alléger la souffrance et sont les premiers pas d'un travail thérapeutique. Lors du travail thérapeutique, le·la soignant·e peut expérimenter des contre-transferts, activant parfois ses propres émotions, et un travail réflexif sur sa propre expérience est bénéfique pour lui et les patient.e.s. 

Être dans une posture réflexive sur ses propres éco-émotions permet de mieux les appréhender. En effet, réussir à les nommer finement et saisir leurs origines par rapport à l'actualité climatique par exemple ou les nouvelles connaissances sur les effets de la pollution s'avère être une compétence sérieuse pour le futur. Ressentir le niveau d'envahissement de ces émotions sur nous mêmes peut nous aider à trouver la juste distance, nous permettre de retrouver de l'emprise sur le réel plutot que de s'enfermer dans une certaine apathie écologique : c'est trop grave, trop grand, trop effrayant. Que viennent-elles nous indiquer ces émotions ? Quels comportements, quelle mise en mouvement pourrais-je mettre en oeuvre pour agir face à l'urgence et en quelque sorte reconquérir sa liberté, en toute lucidité ? Savoir saisir avec précision les éco-émotions de nos patient.es peut également s'avérer utile dans le fait d'apporter du soin, se sentir compris et accompagné par le professionnel de santé est un préalable à la relation de soin. Cette empathie ainsi déployée plus justement aide à trouver des statégies de changement de comportement par exemple, ou de préservation de la santé mentale.

Être  traversé·e·s par ces émotions et questionnements continuent à nous bouleverser, nous pousse à remettre en question nos acquis et impensées, nous aident à donner un cap à nos pratiques. Avoir ressenti l'effroi, la colère et autres émotions face au défi climatique nous aident à accompagner les patient·e·s eco-anxieux·ses. Etre capable d'activer ses propres émotions lors d'une consultation permet aux patient·e·s de pouvoir s'identifier et de voir qu'il est possible d'en faire quelque chose. Une des "couches" de souffrance qui s'ajoutent à l'éco-anxiété est l'incompréhension des proches, générant un sentiment de rejet : même si les patients n'attendent pas des médecins qu'ils suppriment le problème, il est important qu'ils perçoivent chez eux une reconnaissance de son importance et trouvent des pistes pour être accompagnés dans cette épreuve. La reconnaissance de la réalité de l'état de mal-être, la dénomination de celui-ci et l'espace d'écoute permettent d'alléger la souffrance et sont les premiers pas d'un travail thérapeutique. 

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Dragana - partie non intégrée dans le texte ci-dessus > en faire un 2eme article ?

Nous nous trouvons tou.te.s ensemble face au même défi. Nous avons une seule planète, un seul écosystème avec des conditions dans lesquelles nous pouvons survivre. 

Même les meilleures stratégies sont impuissantes face à une catastrophe écologique. 

Entrer dans des états de conscience modifiés, l'hibernation, la terraformation d'autres planètes, aucun des scénarios de science-fiction ne peut aider si nous n'avons pas d'espace où nous pouvons respirer, trouver des sources d'énergie pour nos corps et perdurer.

"Connaître sa propre obscurité est la meilleure méthode pour gérer les obscurités des autres. On n'atteint pas l'illumination en imaginant des figures de lumière, mais en rendant l'obscurité consciente. La chose la plus terrifiante est de s'accepter complètement." (Jung, Letters, vol I, pp 236-7)

Comme dans la peur de la mort, dans la peur d'une catastrophe écologique (qui est d'une certaine manière un chemin vers la mort, d'abord de certaines espèces et formes de vie, voire vers la mort de l'espèce humaine), il est impossible d'éliminer complètement l'instinct de survie. Il persiste, même sous des formes cachées. L'ombre aide à cette dissimulation. Mettre dans l'inconscient individuel tout ce qui est insupportable et inimaginable nourrit l'ombre. Nous en avons tou.te.s une. Cependant, certain.e.s d'entre nous y font face, tandis que d'autres la projettent sur d'autres personnes ou groupes. Pour pouvoir explorer, supporter et aider à l'intégration de l'ombre du/de la patient.e, le/la thérapeute doit être conscient.e de sa propre ombre. Explorer sa propre mortalité, sa brièveté et sa responsabilité est essentiel pour respecter ses propres limites et pour que le/la thérapeute ressente ce qu'iel peut supporter et ce qui est trop pour lui/elle. Le/la thérapeute est là pour soutenir le/la patient.e. Ses limites doivent être respectées afin qu'iel puisse apporter plus en éco-psychothérapie et être un soutien stable pour les patient.e.s. Selon cette approche, il est essentiel pour le/la thérapeute d'avoir accès à différentes phases, spectres et polarisations de ces émotions. Cela implique une capacité à fonctionner sur plusieurs "rails" en parallèle : comprendre ses propres émotions, celles des autres, établir des liens entre elles, et créer un espace sûr où ces émotions peuvent non seulement être abordées, mais aussi élargies et approfondies.

Par exemple, en intégrant les idées de Jung, on peut voir les éco-émotions non seulement comme des réactions individuelles, mais aussi comme des expressions d'une conscience collective plus profonde liée à notre relation avec la nature et l'environnement. Les éco-émotions, dans cette perspective, pourraient être vues comme des manifestations de notre connexion inconsciente et collective avec la Terre et ses écosystèmes, comme l'émergence d'une éco-conscience.

Nous ne parlons pas ici de l'ethos dans un sens étroit, ni de la relativisation de la vérité objective, mais plutôt du fait que les catastrophes écologiques sont réelles et que nous en sommes tous partie. 

Comment un thérapeute peut-il gérer les sentiments qu'il absorbe et adopte de ses patients, surtout si ces émotions sont complètement opposées à la survie humaine sur cette planète ?

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Jojo - partie non intégrée dans le texte ci dessus. > en faire un 2eme article ?

Sauf qu’à partir du moment où nos vies, nos choix deviennent médié·e·s par toutes ces nouvelles informations, cela change notre relation au monde.

Et apprendre en tant que médecin à être dans le monde, enrichit nos vies. Vivre, traverser et se laisser traverser par l’importance du vivant, des relations tissées, de la relation thérapeutique, nous fait bouger dans nos soins, nous font tisser d’autres modes relationnels avec les gens, peut-être moins centrés objectifs mais davantage centrés sur la vie. A tâtons, nous incorporons cette relation au monde, créant de nouveaux possibles. 

C’est avec ces nouvelles expériences sensitives, émotionnelles que nous pouvons proposer de nouvelles directions, de nouveaux rapports aux maladies, et remettre du sens dans l’absurdité de la maladie. Cette approche holistique et multidimensionnelle reconnaît que les émotions liées à l'environnement ne sont pas linéaires ni unidimensionnelles. Elles peuvent être contradictoires, changeantes et profondément enracinées dans les expériences personnelles et collectives. Par conséquent, le /la thérapeute doit être flexible, empathique et bien informé pour naviguer efficacement dans ce paysage émotionnel complexe.

La remise en question anthropologique du dualisme vient ouvrir des portes pour aller par-delà corps et esprit et cartographier différemment les nosologies médicales classiques. Ce mouvement est assez visible par le nombre de médecins et soignant·e·s qui se forment à l’hypnothérapie, à la systémie, au toucher-massage ou autre. Et ces pratiques viennent nous faire vivre les relations différemment en tant que soignant·e. 

Si la société doit se structurer et agir différemment pour faire face aux conséquences de nos modes de vie, en tant que soignant et médecin, nous nous devons de nous structurer et agir différemment dans nos soins. Et c’est à cette condition que nous pourrons légitimement accompagner d’autres humains dans leurs peurs, leur tristesse, leur colère, leur dégoût, leur joie face au passé, au présent et au futur.  Le rôle du thérapeute n'est pas seulement d'écouter ou de sympathiser, mais aussi de naviguer dans ces diverses émotions avec compétence et sensibilité. Cela implique une compréhension profonde de la façon dont les enjeux environnementaux affectent les individus sur un plan émotionnel, ainsi que la capacité de guider les patients à travers ces émotions complexes vers une résilience et un bien-être accru.

Et qui plus est, quels ajustements sont à faire dans notre quotidien en tant que médecin pour pouvoir faire face. Et faire face aux patient·e·s ? 

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j'ai essayé de faire un sens de la première partie (jusqu'à la partie " Dragana"):

La crise écologique constitue une menace majeure pour la santé globale, un défi sans précédent pour l'humanité . Face à ce contexte alarmant, nous, les médecins, acteurs.rices de première ligne dans le domaine de la santé, nous retrouvons confronté.e.s à une double épreuve : celle de traiter les pathologies dans un monde en pleine mutation écologique et celle de gérer l'impact psychologique de cette crise sur nous-mêmes. L'éco-anxiété, parmi d'autres éco-émotions, devient un phénomène courant non seulement chez les patient.e.s mais aussi chez les soignants eux/elles-mêmes. Cette prise de conscience grandissante autour des enjeux climatiques et environnementaux interpelle sur la nécessité d'une introspection professionnelle et personnelle profonde.

En tant que médecins, habitué.e.s à considérer une variété de déterminants de santé – allant de l'hérédité au contexte socio-économique –, nous sommes maintenant appelé.e.s à intégrer les répercussions du changement climatique et de la dégradation environnementale dans notre pratique. Cette extension de perspective requiert non seulement une adaptation clinique mais aussi une évolution dans la manière de concevoir la santé et la maladie, prenant en compte le socio-écosystème dans sa globalité.

La santé mentale des médecins se trouve elle-même affectée par la crise climatique, reflétant une gamme d'émotions complexes telles que la frustration, la colère, la peur, ou encore le sentiment d'impuissance. Ces émotions, en se manifestant dans le cadre professionnel, soulèvent des interrogations profondes sur l'avenir, la pratique médicale, et le système de santé face aux défis écologiques. Nous nous retrouvons alors face à un dilemme : comment rester fidèles à notre mission de soin tout en naviguant à travers nos propres émotions et questionnements éthiques?

Par ailleurs, la crise écologique amène à une réflexion critique sur la médecine contemporaine : nous pouvons la mettre en parallèle avec l'agronomie moderne, où l'accent mis sur les solutions technologiques et la productivité a mené à une série de conséquences néfastes tant pour l'environnement que pour la santé humaine. La dégradation des écosystèmes, l'accélération des modes de vie, et l'isolement social sont autant de symptômes d'une société en quête de sens et de solutions durables.

Face à ces constats, il devient impératif pour les médecins d'embrasser une vision holistique de la santé, où le soin transcende la simple réaction aux symptômes pour intégrer une approche préventive et systémique. Cela implique une remise en question des modèles actuels, l'adoption de pratiques plus respectueuses de l'environnement et de la biodiversité, et une réflexion éthique sur les implications à long terme de nos choix de vie et professionnels. La crise écologique, en tant que catalyseur de changement, invite à une redéfinition profonde du rôle des médecins dans la société, vers une pratique qui promeut non seulement la santé individuelle mais aussi celle de la planète.

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Face à une qualité de vie en déclin, manifestée par des syndromes tels que le burn out ou les douleurs chroniques, le système médical actuel se heurte parfois à ses propres limites. La conception du corps humain comme une simple ressource à optimiser révèle ses insuffisances face à la complexité des maux engendrés par notre société contemporaine. Cette situation met en lumière les contradictions inhérentes à notre système de santé et à nos modes de vie, particulièrement à travers l'exigence souvent formulée du "retour au travail".

Cette injonction, perçue comme vitale pour l'équilibre sociétal et personnel, se trouve en réalité au cœur d'un paradoxe : c'est précisément l'intensité et les conditions de travail actuelles qui contribuent à l'érosion de cet équilibre. Le modèle dominant, qui valorise la performance et la productivité au détriment du bien-être individuel et collectif, suscite des interrogations profondes sur la pertinence et l'humanité de nos pratiques professionnelles et médicales.

Dans ce contexte, nous, les médecins, tout comme nos patients, sommes confronté.e.s à un défi de taille : comment concilier la nécessité de préserver la santé avec les impératifs d'un monde du travail de plus en plus exigeant ? Cette question soulève la nécessité d'une approche plus holistique et intégrative de la médecine, qui ne se limite pas à traiter les symptômes mais cherche à comprendre et à agir sur les causes profondes des malaises contemporains.

Il devient alors essentiel de repenser notre rapport au travail, à la santé, et au bien-être, en reconnaissant les limites du modèle actuel et en explorant de nouvelles voies. Cela pourrait impliquer une réévaluation des valeurs sociétales, une promotion de modes de vie plus équilibrés, et une médecine qui place l'individu et son environnement au centre de ses préoccupations. Ce changement de paradigme nécessite un engagement collectif, impliquant non seulement les professionnels de santé mais aussi les décideurs politiques, les entreprises, et chaque individu dans la société.

L'adoption de nouveaux cadres de pensée est primordiale pour répondre aux défis posés par les mutations climatiques et les insuffisances de notre système de soins actuel. L'orientation vers un modèle centré sur le changement et le mouvement invite à une réflexion profonde sur la nature de la prise en soin. Cette approche requiert une évolution de nos pratiques médicales et une transformation dans la manière dont les patients envisagent leur propre vie et santé.

Un modèle axé sur le changement reconnaît la dynamique et l'interconnexion entre la santé individuelle, sociétale, et environnementale. Il s'agit de promouvoir une médecine plus préventive, qui intègre la dimension écologique dans le diagnostic et le traitement, tout en encourageant les patients à adopter des modes de vie plus durables et respectueux de l'environnement. Cette approche implique également une écoute attentive des émotions et des expériences des patient.e.s.

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La reconnaissance et la gestion des éco-émotions, ces sentiments complexes engendrés par la prise de conscience des problèmes environnementaux, sont cruciales pour tout.e.s professionnel.le.s de santé et leurs patient.e.s. Être capable de nommer précisément ces émotions et de comprendre leurs origines peut servir de puissant outil de résilience face à l'éco-anxiété et d'autres formes de détresse écologique. Cette capacité à identifier et à traiter ces émotions chez soi et chez les autres est une compétence essentielle pour naviguer dans le contexte actuel de crise écologique.

Pour les professionnel.le.s de santé, adopter une posture réflexive sur leurs propres éco-émotions peut faciliter une meilleure gestion de ces sentiments. Reconnaître l'impact de ces émotions sur leur propre bien-être permet de trouver un équilibre entre engagement et préservation de la santé mentale. Cela peut aussi éviter le piège de l'apathie écologique, où l'ampleur et la gravité des problèmes environnementaux peuvent sembler si accablantes qu'elles conduisent à un sentiment d'impuissance.

Pour les patient.e.s, sentir que leurs éco-émotions sont reconnues et validées par leur professionnel de santé peut être profondément thérapeutique. Cela établit un terrain de compréhension mutuelle essentiel à une relation de soin efficace. Les patients qui se sentent compris dans leurs inquiétudes écologiques sont plus susceptibles de s'engager dans des discussions ouvertes sur les stratégies de coping et de préservation de la santé mentale.

Stratégies pour gérer les éco-émotions :

- Nommer les émotions : Encourager une articulation claire des sentiments peut aider à démystifier et à dédramatiser l'anxiété liée à l'environnement.

- Éducation et information : Fournir des informations factuelles sur les questions environnementales peut aider à contextualiser les émotions et à réduire l'impression d'impuissance.

- Promouvoir l'action : Encourager des actions concrètes, même petites, peut renforcer le sentiment d'agence et de contrôle, contribuant ainsi à atténuer l'éco-anxiété.

- Soutien émotionnel : Offrir un espace pour parler des sentiments sans jugement peut faciliter l'expression et le traitement des éco-émotions.

- Pratiques de bien-être : Encourager des pratiques telles que la méditation, l'exercice physique, et la connexion avec la nature peut aider à gérer le stress et à promouvoir un sentiment de bien-être.

- Construction de communautés : Encourager la participation à des groupes de soutien ou des initiatives communautaires écologiques peut renforcer le sentiment d'appartenance et d'efficacité collective.D