Framavox

Tribune municipalisme et communalisme

GM Gilles Martinet Public Seen by 84

Nous avions parlé lors de l'avant dernière réunion de ce que nous pouvions faire dans le cadre des municipales, et avait surgi l'idée de faire une tribune pour soutenir les initiatives municipalistes et communalistes.

Dans l'enthousiasme de l'ADA, après des heures de discussions passionnantes (et ce n'est que le premier jour !) je ne résiste pas à l'envie de partager avec vous une version initiale du texte, déjà amendée par quelques-un·es.

Ce texte pourrait être présenté comme initié par les GJ ER, mais signé individuellement des chercheurs·ses, des enseignant·es, des enseignant·es-chercheurs·ses et qui veut !

Le voici ci-dessous, avec une version modifiable ici : https://mensuel.framapad.org/p/communalisme1-11?lang=fr

J'attends vos retours avec impatience !
A très vite,
Amitiés,
Gilles


Emparons-nous du local et refondons la démocratie

La campagne des élections municipales, loin d'être celle d'un scrutin secondaire ou intermédiaire, est une formidable occasion de bouleverser notre univers politique. Elle ouvre un temps et un espace que nous devons nous approprier pour construire collectivement des réponses aux urgences qui nous menacent. 
Malgré le tapage assourdissant des thuriféraires du there is no alternative et du business as usual, les risques climatiques et écologiques qu’engendre notre mode de production sont maintenant largement connus. En dépit d’une féroce répression, le mouvement des Gilets Jaunes a construit un large front de dénonciation des injustices sociales, géographiques et politiques que le capitalisme néolibéral contemporain aggrave un peu plus chaque jour. Il y a les souffrances et les exploitations d’aujourd’hui, il y a le risque certain qu’elles seront redoublées demain si rien ne change. La fin du monde et la fin du mois nous obligent. 

Les questions politiques ne peuvent plus se poser de la même manière. Collectivement, nous sommes largement héritier·es d’une culture des lendemains meilleurs. Les pouvoirs nous parlaient de progrès, et lorsque nous les contestions nous pensions que l’histoire jouait pour nous, que le capitalisme s’effondrerait sur ses contradictions internes, que l’imagination et les travailleurs·ses triompheraient et qu’alors un monde meilleur adviendrait. L’exploitation tuait, il fallait la vaincre vite, mais nous pouvions construire patiemment, de mouvement en mouvement. 

Notre temps n’est plus le même. Il joue contre nous, c’est désormais certain. Nous ne pouvons attendre d’un lendemain compromis les remèdes aux maux du présent.

Si nous ne pouvons patienter face à l’urgence écologique, nous ne pouvons pas non plus accepter de répondre à cette urgence seule. Comme l'écrivait justement Romaric Godin dans Médiapart (22 octobre 2019), "la crise actuelle du néolibéralisme a (…) trois faces : une crise écologique, une crise sociale et une crise démocratique ». Le système économique actuel n’est pas seulement incapable de les surmonter : il les aggrave.
Impossible donc d’acquiescer à une nouvelle mutation ou à un toilettage du capitalisme néolibéral, qui limiterait peut-être les émissions de CO2 continuerait à nourrir un système ontologiquement fondé sur l’accumulation par dépossession et l’exploitation des peuples au profit de quelques une.s ; un système qui se nourrit des inégalités et les accroît, durcissant toutes les dominations, notamment celles construites autour de la race et du genre. Nous devons radicalement critiquer la société de consommation qui bouleverse le climat et provoque l’effondrement de la biodiversité, mais aussi la marchandisation du monde qui détruit toute réalité humaine, toute construction sociale, et qui la change en une marchandise qui cristallise des rapports sociaux d’exploitation et de domination. 
En somme, nous devons construire une politique écologique, sociale et populaire. 

Les principaux médias et partis politiques nous présentent les enjeux des élections municipales comme bien éloignés de ces questions fondamentales et radicales. Pourtant, les nombreuses expériences concrètes d’émancipation intégrant les réalités écologiques dont nous disposons sont des expériences locales, du Chiapas au Rojava, en passant par la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, Saillans ou les coopératives ouvrières. D'où est venu l'accueil humain des réfugié·es, d’où sont venues les politiques ambitieuses de logement ou de transition agricole ? Toujours du niveau et du terreau local, de là où des collectifs se sont formés et organisés pour reprendre le contrôle de leur destin commun. 
Arracher jusqu’au racine du système et réorganiser la vie collective dans l’intérêt de tou·tes, c’est permettre à tou·tes de se l’approprier et rompre ainsi avec l’accaparement par quelques-un·es. Les coopératives ou associations ouvrières sont des instruments qui permettent la réappropriation des moyens de production et l’émancipation au sein de l’entreprise, en se libérant du capital et en rompant la dichotomie entre décideur·se et exécutant·e. Mais comment se réapproprier son lieu de vie, son quartier, sa ville et ses politiques de logements, de loisirs, de police ? 

Municipalisme et communalisme peuvent être ces outils qui permettent à tou·tes de participer pleinement à la prise de décision politique. Bien sûr, les généalogies de ces projets d’organisation politique sont complexes, et il serait interminable d’illustrer la multitude des variations existantes ou possibles. Ce que tous ont en commun, c’est la réappropriation par les habitant·es de leur droit à participer pleinement à la constitution de l’agenda politique et à la prise de décision, le plus souvent dans le cadre délibératif des assemblées. Dans ce cadre politique, celles et ceux qui gouvernent sont précisément celles et ceux qui sont affecté·es par les décisions politiques. Dans ce cadre, les collectifs, associations et mouvements sociaux ont un accès direct aux espaces de la prise de décision. Il constitue donc un pouvoir considérable de transformation de la vie quotidienne, par une rupture avec la routine de l'acquiescement paresseux ou contraint. Un « bon programme » ne suffit pas pour modifier la réalité matérielle des habitant·es : c’est le cadre même de la prise collective de décision qui doit  être modifié, afin que chacun·e puisse s’emparer du politique. 
Ainsi, il ne suffit pas, comme le font souvent les listes citoyennes, de professer qu’un changement des visages peut transformer la mécanique politique, ni qu’une fois le pouvoir rendu aux habitant·es les conflits disparaîtront. Il s’agit au contraire de parier sur la productivité politique et sociale de la conflictualité, lorsque l’information et le pouvoir décisionnel sont également partagés, dans un cadre pensé pour limiter le plus possible la reproduction des dominations en son sein. Les intérêts divergent, il faut trancher : le meilleur juge sera toujours l’assemblée des habitant·es, travailleur·ses, usager·es. Nul guide : si des savoirs spécifiques sont nécessaires, celles et ceux qui les détiennent les mettent au service de l’assemblée, sans plus s’arroger un pouvoir sur les autres. 
Ainsi, au niveau local, il devient possible de repenser radicalement les transports, le logement, la justice sociale et environnementale, mais aussi ce que sont les biens communs ou les solidarités intergénérationnelles. Demain, au niveau supérieur, la fédération des communes ainsi gérées permettra d’articuler des réseaux d’échanges non capitalistes et écologiques. En nous appropriant ce sur quoi nous avons immédiatement prise, nous mettons en action le célèbre « penser global, agir local », en nous donnant les moyens de produire des transformations radicales. 

Évidemment, le communalisme ou le municipalisme ne sont pas la pierre philosophale qui répondra à tous les maux. Ils ne se décrètent pas : ils se pratiquent, ils se construisent par la réflexion et l'action collective des habitant·es : l'auto-organisation ça s’apprend et ça se travaille collectivement. Cependant, le processus est bien engagé : depuis un an maintenant, le soulèvement des Gilets Jaunes a montré que le local pouvait et devait se repolitiser. 


Nous pouvons et nous devons collectivement nous en saisir pour forcer notre pessimisme et agir, maintenant. Pour les militant·es, cela signifie accepter d’oublier les querelles et les divisions, prendre le risque de travailler ensemble dans un cadre nouveau, malgré les difficultés et les coûts politiques. C’est accepter, aussi, que l’on donne son temps et son énergie sans espérer le pouvoir institutionnel de l’élu·e. Pour celles et ceux qui militent dans des associations, des collectifs, sur des ronds-points : il s’agit de s’emparer de la décision politique directement, sans se laisser reléguer au second plan une fois de plus, au risque de déplaire à la seigneurie locale. Pour les non-militant·es, c’est prendre le risque de perdre du temps, de se salir les mains. Pour tou·tes, c’est accepter de travailler dans un cadre nouveau, avec des personnes différentes. 
Ces risques, nous devons les prendre tou·tes ensemble. Établissons un rapport de force favorable au municipalisme et à ses principes émancipateurs partout. Ensuite, dans ces nouvelles assemblées populaires que nous aurons construites, qui seront des espaces ouverts de politisation et de délibération, nos débats seront plus fertiles. Ne laissons pas ces fractures, une fois de plus, permettre au capital et à ses partis de nous balayer.

Nous pouvons et nous devons éviter que la campagne des municipales soit un moment d’ancrage supplémentaire de la Macronie, du durcissement du néolibéralisme au niveau municipal, de poursuite des grands projets inutiles et imposés. Le pouvoir vacille, mais ce n'est qu'uni·es dans un front municipaliste écologique, populaire et social, que nous pouvons faire de cette campagne un moment de refondation de la démocratie locale, premier pas vers une refondation complète de notre société. 

Cette campagne des municipales est donc la plus importante de toutes, car c’est dans ce cadre que les habitant·es peuvent s’emparer d’un pouvoir effectif, à partir duquel tous les autres seront accessibles. 
Construisons nos communes, nos communs, notre avenir.
L

long Sat 2 Nov 2019 6:31AM

pour ma part le municipalisme de "police", l'idée de se réapproprier la police ou les FO, ça ne me dit trop rien
tel que c'est formulé.

Le reste est bien.

Le sam. 2 nov. 2019 à 00:01, Gilles Martinet (Framavox) notifications@framavox.org a écrit :

GM

Gilles Martinet Sat 2 Nov 2019 9:03AM

L'idée c'est de pouvoir s'en débarrasser, non ?

L

long Sat 2 Nov 2019 12:31PM

ben oui.

Le sam. 2 nov. 2019 à 10:03, Gilles Martinet (Framavox) notifications@framavox.org a écrit :

GM

Gilles Martinet Sat 2 Nov 2019 2:34PM

On est donc bien d'accord ;-)

ZE

Zucker elisabeth Sat 2 Nov 2019 7:55AM

Je trouve ce texte très bien très pertinent et très interessant

Comment prolonger. Ayant les plus grandes difficultés avec
framatruc, pouvez vous me dire quand a lieu la prochaine réunion.

Merci par avance

Elisabeth Zucker

Le 02/11/2019 à 00:02, Gilles Martinet
(Framavox) a écrit :

V

Véro Sat 2 Nov 2019 8:24AM

il y a eu un message sur la liste à ce sujet Elisabeth, je te le renvoie. C'est mardi 5 novembre prochain au campus Condorcet, de 12h à 14h.

ZE

Zucker elisabeth Sat 2 Nov 2019 10:40AM

C'est où le campus Condorcet, ?

Merci de me dire

Biz

Elisabeth

Le 02/11/2019 à 09:24, BONTEMPS
(Framavox) a écrit :

GM

Gilles Martinet Sat 2 Nov 2019 2:34PM

À Aubervilliers, métro Front Populaire

V

Véro Sat 2 Nov 2019 8:23AM

Merci Gilles pour ce super travail ! Le texte est super bien écrit et très clair. Un petit détail (mais pas tant que ça) je me permets de persister : ne peut-on pas enlever "de la France" (à la fin du texte) : on comprend depuis le début qu'il s'agit de la France... France France France ggrgrgrgrgr ;-) ... "les habitant.es" tout court ? "les habitant.e.s de ce pays" à la rigueur ? à part ça le reste me convient super bien, of course ;)

GM

Gilles Martinet Sat 2 Nov 2019 9:04AM

Oui, on peut virer la France ! La formule était là juste pour bien signifier que la citoyenneté n'est pas notre problème, que le pouvoir doit être à tou-tes.

Load More