Fri 2 Jun 2023 6:44AM
Justices Restauratives et autres dénominations
Suite à l'échange sur le fil "Je verrai toujours vos visages" et continuation de nos échanges et recherches sur la thématique, je suis intéressé pour avoir vos points de vue sur la question du lexique... une question politique !

Amans · Fri 2 Jun 2023 7:21AM
Je suis en train de bosser sur une présentation locale, avec Sonia on s'est accordées pour dire qu'il valait mieux faire deux soirées :
une pour parler du film de Jeanne Herry avec celles et ceux qui l'ont vu ou non, et pour parler plus généralement de justice pénale, étatique, et de nos liens avec icelle
une pour parler de rapport dialogique aux conflits (de toutes intensités) et des cercles et systèmes restauratifs... c'est-à-dire en fait, de justice régénérative ou même... transformatrice https://fr.wikipedia.org/wiki/Justice_transformatrice ?
Il semble que toutes ces approches aient été rassemblées en français sous le vocable "justice réparatrice" https://fr.wikipedia.org/wiki/Justice_r%C3%A9paratrice ce qui est un peu marrant parce que c'est juste une autre traduction de l'anglais "restorative". Mais nous les français-e-s aimons bien la précision du verbe... et les sources diffèrent d'une façon qui a évidemment une portée politique très significative.
En ce sens, il me semble que de (continuer à) parler de systèmes restauratifs c'est ménager la chèvre et le chou : d'un côté rappeler le lien à la justice restaurative (et renoncer à utiliser ces mots, faute d'être compris-es / de générer de la confusion)... et de l'autre, se relier mais se distinguer d'une justice transformative plus radicale dans son rapport à l'état (no-way) et à la professionnalisation (bad).
Qu'en est-il de ce qui serait "restaurateur/ice" plutôt que "restauratif/ive" : on pourrait jouer idem à inventer des justices réparatives ou régénératrices bref je tourne en rond là, j'ergote non ?
Il me semble qu'il pourrait être politiquement intéressant, en l'état (lol - je parle de langage mais évidemment c'est bien politiquement que ça me semble avoir un intérêt), de distinguer
une justice restaurative institutionnelle - JRI - qui questionne son institution donc, qu'elle soit ou non liée à l'état - car de même qu'il y a une psychiatrie institutionnelle PUBLIQUE, qu'est-ce qui empêcherait les structures associatives de justice, d'éduc' etc. de questionner leurs rapports de pouvoir et de construire des systèmes restauratifs en leur propre sein ? Les subventions me direz-vous et en même temps c'est directement un rapport de force car l'état a aussi besoin de ces structures... La métaconflictualité est donc envisageable.
une justice restaurative complémentaire - JRC - qui ne cherche pas à remplacer la justice punitive, mais qui développe ses process en parallèle, et en conscience d'icelle.
Il n'est pas impossible d'ailleurs - de pratiquer une justice restaurative institutionnelle ET complémentaire, JRCI.
Mais concrètement pour l'heure la plupart du temps la justice restaurative que nous pratiquons EST institutionnelle et NON PAS celle que l'état soutient - qui veut bien appeler "auteurEs" les ex-coupables mais qui émane souvent en fait des "victimes", elles qui ne sont souvent pas prêt-e-s à se désidentifier de ce rôle pour se reconnaître comme "récepteurEs" dans telle situation. Pourquoi pas réceptacle tant qu'on y est ? Non non : on va continuer à jouer dans le triangle où il y a aussi le rôle des SauveurEs qui a l'air plus enviable - en fait, seulement au début... à moins d'y trouver carrément son statut social.
À l'inverse mais bien différemment, la justice restaurative subventionnée EST évidemment complémentaire (sinon l'état ne la soutiendrait pas)... et de notre côté ÇA DÉPEND si on est plus ou moins gauchistes 🙂 - mais concrètement, ça dépend surtout des institutions avec lesquelles on travaille justement, et / ou des auteurs et des receveurs, des dépôts de plainte, des risques et des communautés... cela dit, il n'y a pas eu de situation dans mon expérience ni à ma connaissance ou un-e facilitateur-ice conseillait à qqun-e de NE PAS faire appel à la justice d'état.
En même temps sur ce dernier point, Dominique a une posture subtile : il rappelle que nous travaillons avec et pour les communautés, et il affirme que cela PEUT se faire parfois en dépit voire à l'encontre de ce que les systèmes punitifs préconisent - ou imposent...
Voilààà ce que je voulais partager avec vous ce matin. Qu'en dites-vous ?