Framavox
Sun 30 Jan 2022 11:06PM

Dissociation traumatique et déni

D Dieudonné Public Seen by 80

Nous avons en commun au travers des Cercles Restauratifs de nous intéresser à offrir du soutien à des personnes qui peuvent avoir été exposées à des traumatismes importants.

Or j'ai l'impression d'avoir entendu aujourd'hui une clef essentielle de compréhension de ce que nous vivons collectivement dans ce sens depuis deux ans. Il s'agit d'un exposé rapide (6 min) d'Ariane Bilheran, normalienne (Ulm), psychologue clinicienne, docteur en psychopathologie, chargée de cours à l'Université, auteur, conférencière...

Je l'ai publié ici :

En voici la transcription :

« La dissociation traumatique est un mécanisme psychologique puissant qui se met en place lorsque l'individu vit un éprouvé de terreur, lors d'une menace supposée ou réelle à son intégrité ou à celle d'autrui.

Elle peut être la conséquence d'une angoisse de mort terrible, par exemple sur soi ou sur autrui. Avec la dissociation traumatique le psychisme de l'individu se sidère, reste bloqué et n'a plus la capacité de penser ce qui lui arrive. C'est comme une blessure à ciel ouvert sur laquelle le psychisme tente de mettre des pansements, dits "mécanismes de défense", dont l'un d'entre eux et non des moindres est le fameux déni.

Le déni est l'incapacité de se représenter une réalité, vécue comme insupportable. Par exemple pour ce qui nous occupe, la représentation selon laquelle certains individus au pouvoir voudraient sciemment notre mal. Cette représentation peut engendrer un tel niveau d’angoisse que l'individu ne peut faire autrement que de la supprimer de son champ des possibles. Cela n'existe pas, cela ne peut pas exister. Le procédé est absolument inconscient pour les individus, il se déroule malgré eux.

Le régime totalitaire met en scène trois angoisses traumatiques majeures :

  • l'angoissent de mourir

  • l'angoissent de tout perdre

  • l'angoisse de morcellement.

Et il propose une idéologie ou croyances illusoire dans laquelle l'individu peut se croire à l'abri de traverser ces situations pourvu qu'il soit le bon élève obéissant. Le déni ayant permis la sidération de la pensée, l'individu est comme dépossédé de lui-même et fonctionne comme un automate. Le système totalitaire occupe alors le terrain de la vie psychique des citoyens par une autre une narration délirante, un discours de certitudes qui a réponse à tout. "Big brother" pense pour vous et vous prend en charge. Ne pensez plus et tout ira bien.

Voilà l'origine du phénomène que certains appellent "l'hypnose de masse". Sans la dissociation traumatique et le déni qui est apposé comme pansement de fortune sur la plaie ouverte, l'hypnose suggestives des médias de masse qui véhiculent l'idéologie totalitaire, ne pourrait pas agir avec autant d'efficacité. Les discours paradoxaux réitérés entraînant la sidération conduisent à l’anesthésie affective. En clair, on ne comprend plus rien, donc on ne réfléchit plus, on est violenté, donc on ne ressent plus, on est pris dans une illusion, donc on est dépossédé de son jugement, et ce, jusqu'à l'entrée dans la contagion délirante collective, la répétition fanatisés des discours de l'agresseur et sa défense idéalisée. C'est le fameux syndrome de Stockholm. La puissance du déni est aussi un indicateur de l'intensité du traumatisme. On peut supposer que ces vécus traumatiques sont des bombes à retardement.

La souffrance psychique est telle qu'elle entraînera un lot considérable d'addiction d'idées dépressive et de conduites à risques mais aussi des passages à l'acte violents sur soi-même : autodestruction, suicide ou sur autrui, agression, au fur et à mesure que le discours dominant du régime totalitaire déploiera ses nombreux paradoxes entraînant toujours davantage de confusion mentale.

La question qui devrait occuper principalement les études de psychopathologie et malheureusement ce n'est guère le cas, est : quelles sont les conditions de sortie du déni ?

Je vais proposer plusieurs pistes.

La première est de ne surtout pas parler de la représentation angoissante avec des individus dans le déni. Toute explication frontale sera vouée à l'échec car elle renforcera le déni.

La deuxième piste est de permettre à l'individu de se distancer de cette représentation angoissante et de son origine en parlant d'autre chose, en abordant un autre sujet sorti du contexte traumatique et ce, afin de réactiver les fonctions logiques et en rappelant la vie d'avant le traumatisme, dont surtout des repères fondamentaux plaisants et rassurants.

La troisième piste est d'essayer, dans la mesure du possible de ne pas couper le lien. Il faut comprendre qu'en voulant convaincre quelqu'un qui est dans le déni, nous exprimons notre propre angoisse de ce que les gens se réveillent face à cette dérive totalitaire. Nous transmettons un surcroît d'angoisse à un individu qui est déjà ravagée par un trop-plein d’angoisse.

La sortie du déni peut être progressive ou brutale. Dans ce dernier cas, il est important de se positionner en accompagnement bienveillant car les risques d'effondrement psychique sont réels. Parfois certains individus ne sortent pas du déni, car ils sont englués dans des faits manipulateurs, notamment la langue corrompue du régime totalitaire qui leur a ôté les outils conceptuels pour penser le réel. Le travail de déconstruction de l'embrigadement sectaire par la parole doit être entrepris avec patience et pédagogie. En rappelant l'origine des mots, le sens des mots, les différents paradoxes utilisés par le pouvoir totalitaire pour paralyser la pensée. Il est également indispensable d'articuler une chronologie des faits et d'organiser la pensée à partir de l'origine. Comment tout ceci a commencé, sur quels critères, quels fondements, quelles valeurs, quelles légitimités, quelles vérités ?

Un édifice construit sur du mensonge et du secret pervers, est voué à s'écrouler tôt ou tard.

Je vous remercie de votre attention. »

Vous trouvez ça utile vous aussi ?

Je peux bien-sûr me tromper, et je viens vers vous pour que nous en devenions plus intelligents ensemble.

N

Nina Mon 31 Jan 2022 9:27AM

Merci pour la transcription Dieudonné ! Je trouve le passage sur la sortie du déni très utile. Je suis très contente d'avoir pu lire cela "vite fait" plutôt que de regarder toute la vidéo :)

L

ledojo Mon 31 Jan 2022 9:58AM

Bonjour Dieudonné. Dans un souci de centrage, tu peux voir ces propos dans l'autre sens, car on parle de la peur du virus mais quid de la peur du vaccin. Ce que je trouve dommage est de séparer 2 camps (pour un cercle RESTAURATIF, ça la fout mal), ceux qui obéiraient à la peur du virus et les autres conscients d'un complot organisé. Peut-être que de créer un cercle autour de ce sujet peut enrichir les uns et les autres, plutôt que chacun campe dans ses positions. Personne n'a la vérité, rappelons le, seul l'amour de soi et des autres doit nous guider. Et ce n'est pas ce que je vois dans cet article où on veut y rajouter de la psychologie pour démontrer sa bonne foi, alors que ce processus est applicable pour toutes nos peurs. A toute fin utile pour devenir plus intelligent ensemble.

D

Dieudonné Mon 31 Jan 2022 10:36AM

Merci @ledojo de donner ce point de vue !

C'est ce que j'apprécie particulièrement avec l'approche d'Ariane Bilheran : elle peut appuyer son analyse sur son expérience de psychologue clinicienne, docteur en psychopathologie. C'est avec beaucoup de finesse, de profondeur et de subtilité qu'elle présente ce sujet, de telle manière que chacun peut se sentir assez en sécurité pour dire : « c'est pas moi qui délire, c'est l'autre ! ».

Je suis complètement d'accord avec toi, le risque effectivement est de ne plus voir l'autre qu'au travers d'étiquettes, comme "victime d'un traumatisme", etc...

D'ailleurs, une de mes citations préférée est celle-ci de Pierre Desproges :

L'ennemi est très con... parce qu'il croit que c'est nous l'ennemi, alors que c'est faux, puisque justement, c'est lui !

Donc, en résumé, pour sortir de cette impasse, j'aime beaucoup les propositions d'Ariane, parce qu'elles ont la légitimité de l'expérience. D'ailleurs, je vois bien des points communs entre ce qu'elle propose et les CR : créer un espace de sécurité dans lequel on pourra ensemble accueillir des questions de compréhension mutuelle, de co-responsabilité, etc... :

Comment tout ceci a commencé, sur quels critères, quels fondements, quelles valeurs, quelles légitimités, quelles vérités ?

À ce propos, j'ai récemment découvert une vidéo d'une heure, que j'ai trouvée très convaincante pour un scénario explicatif :

à suivre 😉 🤓

A

Amans Thu 3 Feb 2022 2:05PM

Merci Dieudonné pour la transcription et surtout pour continuer à faire vivre cette communauté restaurative virtuelle à travers des réflexions sur l'actualité. Sonia et moi, ça nous nourrit et nous inspire.
Nous croyons en effet que nous avons à renforcer nos capacités d'accueil émotionnel et notre paix intérieure, pour répondre de façon ajustée aux effondrements des systèmes de croyances des gens de nos entourages. En attendant la suite des opérations...

HB

Harout Bodossian Sun 13 Feb 2022 11:41PM

Merci Dieudo, je trouve que ce texte éclaire ma position vis à vis de ma famille que je considère dans le déni. Rester en lien, les écouter et être patient, pédagogue... Tout un programme.