
Paul Poulain Mon 15 Jun 2020 10:30AM
Avec plaisir ! Bonne idée
giroud Mon 15 Jun 2020 11:10AM
merci de votre réponse on est déjà deux..vous habitez où ? moi je suis sur Paris 19e
Le lun. 15 juin 2020 à 12:30, Paul Poulain (Framavox) notifications@framavox.org a écrit :

Ekim Deger Mon 15 Jun 2020 2:40PM
je veux bien me joindre à vous également

Soaz JOLIVET Mon 15 Jun 2020 11:11AM
Bonjour, l'idée d'un groupe de travail me paraît bonne. On parle bien d'un groupe de travail sur cette plateforme ?
giroud Mon 15 Jun 2020 11:13AM
oui sur cette plate-forme ; on est 3 pour le moment
Le lun. 15 juin 2020 à 13:11, Soaz JOLIVET (Framavox) notifications@framavox.org a écrit :

Soaz JOLIVET Mon 15 Jun 2020 11:45AM
J'avais écrit un peu, et tout a disparu. Le format n'est pas facile. Bon en bref je demandais si on pouvait se fixer un but ? Quel but un groupe de travail sur la culture peut se fixer. A. L. Kroeber et C. Kluckhohn ont répertorié 150 définitions du mot culture en 1952 (en anthropologie, sociologie et psychologie). Ça donne une idée que nous toutes et tous, avons une idée personnelle de la culture. Pour ne pas nous enfermer dans des programmes et garder le débat élargi, afin de ne pas reproduire justement ce que nous reprochons à l'institution, de l'exclusivité, je propose que nous exprimions ce que nous attendons d'un tel groupe. Qu'en pensez-vous ?
Franc Bardòu Mon 15 Jun 2020 1:08PM
Mon but, par rapport à la notion de culture, est d'en défendre la multiplicité. Je souffre plus que jamais, en qualité de "professeur d'occitan" de la logique ultralibérale des gouvernances successives à la tête de la France. Ma discipline, après avoir très lentement progressé (pour passer de rien à homéopathique puis à léger de bruit de fond) est actuellement renvoyée au néant. C'est pourquoi je supporte le singulier, quand on parle de LA culture (nécessairement française dès lorsque rien n'est précisé). Inutile de vous dire que poète, et poète occitan, le fait que LA culture médiatique soit marchandisée ne me touche guère !!! Mais il est vrai que l'on souffre tous d'invisibilité dès lors que le soutient médiatique et commercial n'est pas là pour préciser que "nous sommes".
Si vous pensez que mon expérience peut être utile à votre groupe de travail, je suis des vôtres.

Soaz JOLIVET Mon 15 Jun 2020 5:13PM
Je suis en accord avec vous. Je suis bretonne. J'étais professeur de danse contemporaine pendant 32 ans. Je créais des pièces chorégraphiques avec ma compagnie, qui avaient toutes un lien avec la Bretagne, l'architecture, l'histoire, la poésie en langue bretonne. Nous travaillions essentiellement avec des musiciens professionnels locaux. Notre travail de qualité, reconnu par d'autres, nous avons tourné même à l'international mais par nos propres ressources, a toujours été méprisé par les représentants de l'institution culturelle officielle. Ces associations départementales financées par les conseils départementaux chargées de diffuser les politiques culturelles de l'Etat par un maillage territorial total. Autrement dit, nous-mêmes. Nos impôts servent à payer des représentants d'une politique centralisatrice méprisant la diversité culturelle. Aujourd'hui je fais une thèse de sociologie sur les lieux alternatifs.
Sophie Sainte-Marie Wed 17 Jun 2020 12:07PM
Et on enseigne encore aux aux enfants qui vivent dans ce pays que, en France, il n'y avait, au Moyen-âge, que deux langues... Quel mépris ! Pour moi, c'est vraiment au niveau de l'enseignement de l'Histoire qu'il faut renoncer avec le Roman national. Ça aurait d'ailleurs le mérite de montrer comment le colonialisme a aussi été intérieur.

Soaz JOLIVET Tue 16 Jun 2020 3:47PM
Bonjour Où en est l'idée de ce groupe de travail ?
Franc Bardòu Tue 16 Jun 2020 5:06PM
Ce qui est assez certains, c'est que si vous êtes actrice de la culture bretonne, je n'ai pas besoin de vous expliquer grand chose sur les difficultés communes à nos deux cultures en contexte politique culturel franco-français.
Nous souhaiterions voir changer le paradigme déterminant toutes les "actions culturelles" communes à l'état français. A tout le moins.
Certaines choses peuvent se décider, en tous cas se proposer, afin d'en finir avec ce paradigme létal pour la, pardon, les cultures (de l'hexagone) et sur cela, tout au moins, nous pourrions "travailler", c'est à dire, proposer un autre paradigme que nous penserions meilleur. Dans les grandes lignes, ça ne devrait pas être bien compliqué !
En revanche, nous ne pourrons pas agir, je suppose, sur un autre aspect du "problème culture" : celui du manque total de hauteur de vue, d'ambition culturelle endogène à chaque localité, région, zone linguistique ou autre qui caractérise la plus large part des "élus locaux chargés de mission culturelle" auprès des instances régionales et autres.
En clair — et je suis presque certain que c'est pareil partout —, si je cherche çà devenir un acteur célèbre et vivant largement de son art, il m'est presque impossible, en France, d'envisager de me "faire un nom" ailleurs qu'à Paris, par exemple à Toulouse, Marseille, Nice, Bordeaux, Montpellier, Clermont-Ferrand ou Limoges. Premier aspect problématique.
Deuxième aspect : il suffit de parcourir le programme de la plupart des festivals d'été dans ma région pour découvrir qu'en gros, ceux qui captent le plus de soutient financiers publics sont ceux qui diffusent "en région" la culture "régionale d'Île de Franc" généralement présentée comme "française" et "universelle".
Lorsque je parle de manque de "hauteur de vue" et "d'ambition culturelle" de la part d'élus locaux, c'est bien cela que je souhaite signaler… et combattre. Car enfin, si la culture en langue bretonne n'est pas soutenue par l'argent public des contribuables bretons, il y a peu de chance que ce soit les contribuables franciliens ou picards qui prennent le relais à telle fin !!!!
Peut-on, par un "simple" travail propositionnel, combler une telle lacune ? Je crains que non, mais ça vaudrait au moins la peine d'y réfléchir. Si les budgets publics ne sont accordés que sur des critères rentabilistes de visibilité maximale, en tant qu'élu local, je ne vais soutenir presque que des spectacles à forte fréquentation, eux-mêmes portés par des acteurs culturels "connus", c'est à dire vus à la télé, télé bien entendu parisienne, on n'en sort jamais.
L'ambition culturelle, c'est l'audace de proposer autre chose que ce qu'on nous sert tout le temps partout, généralement creux, insipide, avec parfois des contenus tacites bobo de gauche mole ou écologiste croissansiste à deux balles dans le moins pire des cas. Mais très souvent, on tombe plutôt dans le pire : je m'amuse et surtout, je ne réfléchis pas…
Du coup, si notre "travail" se met en place, il va nous falloir rendre compte d'au moins trois choses :
Qu'appelle-t-on culture ?
Qu'attend-on d'une culture ?
Comment accède-t-on à une culture ?
Mais aussi, parce que nous ne sommes pas des nationalistes au sens ou peuvent l'être les ultradroites :
Qu'attend-on DES cultures ?
Comment accède-t-on AUX cultures ?
Je n'ai guère l'habitude de procéder à ce genre de travail, surtout en groupe. Je n'ai pas un protocole de fonctionnement "clés en main". Peut-être chacun des volontaires pour participer à ce travail, pourrait essayer de répondre à ces questions (qui en amèneront d'autres…), afin d'essayer de synthétiser nos réponses… J'ai bien un doctorat (qui professionnellement, ne m'a jamais servi à rien, bien sûr) mais c'est en analyse littéraire occitane. Je ne suis donc guère le mieux placé pour encadrer quoi que ce soit, n'était que poète.

Soaz JOLIVET Tue 16 Jun 2020 5:28PM
Bonsoir, nos deux exemples particuliers ne sont là que pour montrer concrètement que le rejet de la diversité culturelle a de graves répercussions d'inégalités. Il a été proposé plusieurs fois d'adopter cultures au pluriel. Je pense que c'est une bonne entrée en matière. C'est le meilleur moyen de reconnaître que tout le monde a une culture. Car cette discrimination envers les cultures "minorisées" de l'hexagone, est bien réelle envers toutes les cultures populaires que ce soit celles des DOM-TOM ou celles des personnes qui venant d'ailleurs viennent quelques temps en France ou s'y installer et sont largement méprisées parce que porteuse d'une culture autre. De même, les cultures ouvrières, les cultures paysannes, les cultures urbaines... n'ont que très peu de place dans le répertoire du ministère. Un premier vœu pourrait-il être l'officialisation de "cultures" dans notre vocabulaire ?

Daniel Bernard Wed 17 Jun 2020 8:50PM
Bonjour!
Tout d'abord, je me présente, pour dire un peu où je parle: je suis étudiant, en études littéraires, issu d'une famille plutôt bourgeoise qui m'a donné beaucoup de culture dite classique. Je dis ça pour bien préciser que contrairement à beaucoup d'autres ici, je suis très marqué par la culture bourgeoise, avec ce qu'elle a de riche, mais aussi avec sa méconnaissance, par exemple, des langues locales. C'est donc en toute modestie, et avec la conscience de mon incompétence, que je fais ces propositions.
Il me semble que cette question de la culture se décompose en trois sujets: 1) critique de la conception bourgeoise de la culture. 2) tout ce qui touche au secteur de la culture. 3) les questions liées à l'école. 4) culture/éducation populaire
1) A ce sujet, parler de "cultures" au pluriel est déjà un bon début: on reconnaît que ce qu'on appelle "la" culture est en fait une culture bien particulière, certainement très riche mais qui occulte des tas de cultures locales, populaires, étrangères... Or si on peut parler de défendre la culture, ce n'est pas seulement ce qui est aujourd'hui reconnu comme tel: c'est aussi, et surtout, les cultures oubliées, marginalisées, stigmatisées. Parler de culture dans une optique émancipatrice, c'est certes parler de tragédie classique, mais aussi de rap. Ce point me semble fondamental pour penser les questions de cultures en en promouvant la richesse infinie. C'est important parce que quand on voit des réacs défendre la culture (je pense à Finkielkraut par exemple), ils pensent à un corpus classique figé qu'il faudrait assimiler. Or c'est la meilleure façon de fossiliser la culture qu'ils promeuvent, tout en invisibilisant des tas d'autres cultures qui pourtant mériteraient d'être connues. Parler de cultures au pluriel, sans hiérarchiser à tout prix, sans en faire un objet de distinction sociale, c'est nécessaire pour opposer aux réacs une autre vision de la culture
2) Eh bah là, y'a plein de questions importantes. Déjà, la précarité des intermittents du spectacle, et d'une manière générale des tas de gens dans ce secteur qui sont dans la merde en ce moment. Que faire dans ce secteur? Je veux dire: quelles réformes devraient être adoptées, et surtout, qu'est-ce que nous on peut faire? Je n'ai pas forcément de réponses pertinentes à apporter à ces questions, mais elles me semblent devoir être posées
3) Quand on parle de culture, on pense aussi à tout ce qui touche à l'éducation, et de fait, c'est là qu'on accède à pas mal de trucs qu'on pense comme notre culture, c'est là aussi qu'on a une vision de ce qu'on voit comme la culture légitime. Et là, le truc, c'est que l'éducation, elle ne va pas très bien en ce moment. Les profs sont mal payés, mal considérés, l'éducation est vue comme un truc pas très important, sur lequel il s'agirait de faire des économies, et surtout, on assiste au renforcement du caractère élitiste, concurrentiel et inégalitaire du système éducatif par des tas de réformes dégueulasses. Des luttes se mènent, elles sont justes, malheureusement elles ne sont pas encore victorieuses. Une autre éducation est possible, se dit-on: une éducation qui servirait vraiment à ouvrir les élèves à des horizons nouveaux, qui permettrait de rendre la société plus juste, qui initierait aussi les élèves à la délibération démocratique entre eux... Bref, y'a plein de chantiers à ouvrir de ce point de vue-là, plein de luttes à mener surtout: pour plus de moyens, pour des classes plus petites, pour les moyens mis prioritairement dans les établissements les plus défavorisés plutôt que dans les fabriques à élites, bref, pour qu'on permette aux profs de faire le taf de transmission de savoirs qu'ils ont envie de faire, et qu'ils essaient tant bien que mal de faire.
4) En gros, cette question est: comment ouvrir la culture, l'éducation, à un truc populaire et en dehors des institutions? Evidemment, ça a une grosse dimension politique: il s'agit de réfléchir à comment faire vivre une pratique de l'éducation, de cultures, qui ne soit pas soumise à un diplôme, mais qui vise à donner les outils intellectuels pour penser notre situation à des gens qui, autrement, n'y aurait pas eu accès. Il s'agit aussi de décloisonner certains secteurs de la culture, d'en faire sortir de leur marginalité ou de l'entre-soi
Voilà ma modeste contribution. Je me rends compte après avoir écrit ça qu'en vrai, je n'ai pas vraiment proposé de solutions, du moins pas toujours. Disons que j'ai donné les enjeux tels qu'ils me paraissent se poser, dans le but d'ouvrir le débat, pour que d'autres plus compétents et compétentes que moi puissent le prolonger :)
Franc Bardòu Wed 17 Jun 2020 10:18PM
Bonsoir Daniel.
Nous sommes tous de modestes contributeurs. La modestie de petites gens fait toute leur grandeur. C'était déjà le point de vue de Tolkien, qui n'était pourtant guère progressiste…
Afin de prendre respectueusement en compte les considérations de vos interlocuteurs bretons, occitans ou autres, vous utilisez un qualificatif qui contredit, selon moi, votre objectif de communication : "Langues locales"…
Toute langue est, par définition, à la fois locale (dès lors qu'elle est parlée quelque part) et universelle (puisque avec une langue, dès lorsque portée par des intelligences actives qui la modernisent dans une perspective académique et encyclopédique, peut finir, bien entendu, par dire tout l'univers, ce qui est le cas, par exemple, du breton ou de l'occitan, mais aussi bien sûr du catalan, du basque, du corses, de l'allemand d'Alsace).
Un moyen de distinguer le français, par exemple d'une de ces autres langues que nous prenons aussi en considération, est de parler de langue "officielle" ou "non-officielle". Et encore, cela peut poser problème, puisque l'allemand est officiel en Allemagne, en Autriche, co-officiel en Suisse, non-officiel en France et en Italie, par exemple. L'occitan est non-officiel en France et en Italie, mais co-officiel en Espagne.
Si certaines langues n'accèdent pas nécessairement à l'universalité, ce n'est pas parce qu'elles seraient de moindre valeur ou de moindre portée, ou plus anciennes ni moins riches, mais uniquement parce qu'elle ne font pas l'objet d'un travail de modernisation, de développement encyclopédique, etc…
Nous porter à croire le contraire, ce n'était pas seulement nous mentir. Et c'est ce que les professeurs de le 3e République ont été assigné à nous faire croire, pour nous faire tous abandonner nos langues autres que la langue officielle. C'était aussi nous faire croire que nos autres langues étaient des langues de demeurés, que parce qu'elles seraient "populaires", elles ne pourraient être "que populaires". Ainsi, les esprits les plus performants (dans les études) se trouvaient identifiés dans leur performance en s'affichant francophones, les autres parlant non seulement une langue d'indigent, mais la langue même de l'indigence. Les raccourcis implicites auront été vite tracés : celui qui parle en France une autre langue que le français passera automatiquement un indigent d'indigente culture. Et voilà pourquoi nous devons aujourd'hui nous coltiner un "ministère de LA culture".
Or, la littérature francophone s'est construite au Moyen Âge. Elle s'y est construite en racontant des éléments du légendaire et de l'imaginaire breton, d'une merveilleuse richesse, et en prêtant à ses personnages des mœurs, us et coutumes, art d'aimer totalement occitans. Jamais aucun professeur de français ne me l'a dit. Le savait-il, seulement ? Je veux dire, le lui avait-on seulement jamais fait remarquer ? A l'époque médiévale, à l'évidence, les francophones étaient ouverts, très ouverts, même, aux influences bretonnes et occitanes : et combien cela leur a alors réussi ! Leur littérature y est née… Que ne sont-ils pas demeurés aussi ouverts jusqu'à aujourd'hui à ce et ceux que nous sommes toujours ? De modestes contributeurs, mais avec des contributions aussi importante que la vôtre et les nôtres.
Pour vôtre second point, que faire pour les acteurs de spectacles vivants, je peux proposer un moyen radical de leur faire énormément de bien. Prenons le nombre total d'habitants en France. Divisons le budget d'aide à "LA culture" par ce nombre d'habitants. Souhaiterions nous définir un budget équitable pour, par exemple, la Bretagne ? Et bien soit, multiplions la produit de la division ci-dessus par le nombre d'habitants de la Bretagne : et voilà un budget équitable pour la Bretagne. Une fois ce nombre obtenu, coupons la poire en deux : une moitié pour la langue décrétée officielle, et une autre pour le celtique de basse Bretagne, et pour le gallo de Haute Bretagne (par exemple). A l'arrivée, le budget total de l'Etat n'a pas varié d'un centime. Mais le budget accordé aux arts vivants de langue bretonne aura sans douté été multiplié par 1000. A charge, évidemment, pour le peuple de Bretagne, de faire vivre et fonctionner leur culture. Mais le fait de pouvoir le faire serait sans doute extrêmement incitatif, et épargnerait à beaucoup de Breton l'astreinte à l'exil vers l'Île de France afin de vivre de l'art dans une langue qui n'est pas la leur…
Ce petit discours juste pour montrer que l'idée de valoriser toutes LES cultures n'a rien de démesuré financièrement, et reste même totalement réaliste (au sens cynique et libéral du terme). Je n'ai pas les chiffres pour la Bretagne, mais je suis certain qu'avec le petit calcul simple de répartition équitable des fonds d'aides aux cultures, je pourrais très largement multiplier l'aide à l'occitan par 1000 tout en divisant par 2 le ridicule petit budget actuel de "LA culture" en France… C'est dire assez combien le système actuel considère les cultures non-officielles mais historiques de France. Et je ne parles pas de la considération pour les autres cultures, issues de l'immigration, qui pourtant pourraient nous enrichir considérablement. Je suis passionné par la poésie arabe et la poésie persane : des océans de poèmes, depuis plus de quinze siècles ! Et probablement se cache là l'une des sources de la littérature occitane médiévale, que les Français nous ont copiée. En n'était pas xénophobes, les artistes occitans ont découvert chez leurs voisins d'Espagne musulmane les sources de leur originalité littéraire qui les fit ensuite connaitre à travers toute l'Europe (les troubadours).
Enfin, vous abordez les problèmes de l'enseignement, terme que je préfèrerai toujours en celui "d'éducation", nationale ou pas, car les professeurs enseignent des disciplines, tandis que les éduquent leurs enfants ! Derrière l'enseignement se cache ou se montre nécessairement l'idée (pertinente ou non ?) de culture dite "générale". Or, qui la définit et à quelles fins ? Que voilà un immense chantier de réflexion, n'est-ce pas ? Mais vos questions sur l'enseignement sont encore plus profondes et pertinentes. Il se trouve que je suis, pour gagner ma vie, et ne pas perdre mon peuple, professeur d'occitan depuis 1992. Et selon ma connaissance du terrain, deux conceptions radicalement opposées des contenus d'enseignement luttent l'une contre l'autre depuis au moins toute cette période :
1) L'enseignement vise à édifier de futurs citoyens, devant devenir capables d'analyser et de comprendre tous les enjeux et la portée des décisions sociales, économiques et sociétales prises dans le cadre d'une démocratie, à l'aide de connaissances et de repères culturels établissant et affinant leurs jugements.
2) L'enseignement vise à former le plus efficacement possible de futurs travailleurs permettant aux entreprises de développer au maximum leur rentabilité, afin de dégager toujours plus de bénéfices.
Dans les manifestations, j'entends souvent, en tête de cortège, entre les gilets jaunes et les black blocs, des jeunes hurler : "travaille, consomme et ferme ta gueule, c'est le message qu'on donne aux jeunes". Et quand je les entends le gueuler, j'ai les larmes aux yeux parce que je me dis que pour le moment, malgré les attaques répétées et de plus en plus violentes des autoritarismes libéraux successifs à la tête de l'état contre l'éducation nationale, c'est encore, pour le moment, la première visée de l'enseignement qui semble dominer sur l'autre. Car c'est celle de la plupart des professeurs actuels. Mais pour combien de temps ? Car la seconde visée est celle qu'on cherche par tous les moyens à nous imposer comme la seule possible.
Alors, des cultures, oui ! Mais pas seulement pour remplir des musées ou animer des festivals ! Ils faut que les cultures aiguisent le discernement et l'esprit critique des membres actifs de toute authentique démocratie : les citoyens. Et plus on connait de cultures, moins on est exposé aux préjugés racistes. Plus on connait sa culture et plus on connait sa valeur, plus on se fait confiance à soi-même. Mais lorsqu'on s'avance vers l'Autre en se faisant confiance, on n'a beaucoup moins peur de l'Autre, et dès lors qu'on l'approche sans peur, on l'approche sans haine. Et sans haine, c'est tellement plus facile d'aimer l'Autre !
Et ce n'est pas tout. Car si je connais ma culture en plus d'une culture officielle, je me doute, tacitement que l'Autre aussi doit avoir sa culture, autre qu'officielle… La mienne est si riche : quelle richesse doit donc cacher la sienne ? Du coup, il me tarde de le connaître, au lieu de le haïr sans même savoir pourquoi !!! Intégrer le pluriel des cultures me semble l'arme antifasciste la plus radicale et efficace. Et elle est non violente…

Daniel Bernard Thu 18 Jun 2020 9:04AM
Oui! Je suis tout à fait d'accord. Si l'enseignement est conçu comme un moyen de former des adultes critiques et capables de s'ouvrir à la diversité avec curiosité, alors il ne peut qu'intégrer les langues non officielles! Tout ça est lié, au fond: si on commence à concevoir les cultures comme un truc pluriel auquel il faudrait s'ouvrir, et qu'on en finit avec l'idée d'une culture nationale unique et fermée, alors on se met à considérer mieux les langues non officielles. Mais on ne s'arrête pas là: on se met aussi à mieux considérer les milieux artistiques (c'est-à-dire les artistes, mais aussi tous ceux qui permettent aux expositions, aux spectacles, aux concerts, d'avoir lieu), on se met à repenser leur importance, dans leur immense pluralité. Et là, on s'ouvre à plein de trucs différents de soi, on se rend compte qu'on n'est pas les héritiers d'une culture nationale unique et supérieure aux autres, mais qu'on a une pluralité de cultures, officielles ou pas, à découvrir, et que parmi tous ces gens qui créent de l'art, ils ont des racines partout. Par exemple, je déduis de ce que vous dites que beaucoup d'artistes actuels sont indirectement les héritiers de cultures occitanes et bretonnes, sans même le savoir parfois! Je suis donc totalement d'accord avec vous: s'ouvrir à la diversité des cultures, c'est une arme antifasciste très puissante.
Et c'est lié aussi à l'enseignement. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que les deux conceptions dont vous parlez s'opposent. La première est celle des profs, la deuxième est celle des hiérarchies ministérielles, il me semble? Par exemple, quand Blanquer fait des évaluations de compétences tout le temps, on est dans l'idée que l'enseignement sert à cocher des cases de savoir, pour être prêt au monde du travail. A l'inverse, les profs qui luttent contre lui, ou les jeunes dont vous parlez, ils défendent une conception de l'éducation beaucoup plus critique, qui vise à éveiller les intelligences.
Cet affrontement, je pense qu'il est très proche de la question de la diversité des cultures: la conception de l'enseignement comme un moyen d'aider à l'éveil des intelligences critiques, eh bien on leur présente, là encore, toute la richesse et la pluralité de ce qu'il y a à découvrir, des cultures occitanes à la poésie homérique en passant par les chansons de Ferré! Plus j'écris, plus je me rends compte que sur les questions culturelles, si on sort d'une conception monolithique de la culture, ça conduit à plein de conséquences très importantes
Sophie Sainte-Marie Mon 22 Jun 2020 12:50PM
Un" budget équitable par habitant", c'est parce qu'on a accepté les restrictions budgétaires. Moi, je pense qu'il faut beaucoup beaucoup plus ! Mais, à un autre niveau, que j'aimerais qu'on reconnaisse l'histoire des langues parlées en France. Mais ce serait accepter de réfléchir à l'histoire des dominations. Les Catalans espagnols ont réussi à imposer le droit de parler leur langue. Mais enseigne-t-on seulement à nos enfants et petits enfants que cette langue était transfrontalière. Ceci dit, quand je vois les enseignants en primaire avec lesquels mon époux travaille, je suis sidérée de leur manque de connaissance livresque et de leur à priori. Ils n'imaginent pas une seconde que des "mauvais élèves" puissent être intéressés par des lectures considérées comme difficiles. Pas de bibliothèque en classe, et d'ailleurs pas de financement pour le faire. Des "lectures dirigées". Aucun auteur lu dont la qui ne soit pas "occidental". C'est triste.
Sophie Sainte-Marie Mon 22 Jun 2020 12:56PM
Et les artistes dont vous parlez sont des artistes interprètes auxquels ils faudrait ajouter les artistes-auteurs. Je pense que non seulement Blanquer veut stopper la pensée critique, mais il y a aussi une injonction de réduction du périmètre de la Culture. Pour beaucoup d'enseignants, l'idée qu'un enfant puisse commencer de lire un livre et soit libre de ne pas le terminer, c'est un souci. Alors que c'est la base. Lire, en liberté, c'est, petit à petit, créer son propre goût. Mais pour cela, il faut avoir beaucoup de livres à sa disposition. Faire des essais, prendre et reposer, peut-être reprendre. Se familiariser avec une collection. Se faire un chemin personnel. Et ça, ce n'est généralement pas admis.

Daniel Bernard Wed 17 Jun 2020 9:27PM
Oups, je viens de voir qu'il y avait aussi un groupe sur l'école. La partie de mon message qui en parle est donc hors sujet ici, désolé
Sophie Sainte-Marie Mon 22 Jun 2020 12:57PM
Je trouve que c'est aussi la bonne place pour parler de l'école. On ne peut pas séparer totalement culture et école ! Culture et enseignement.

Soaz JOLIVET Thu 18 Jun 2020 5:32AM
Bonjour,
Tout d’abord je suis étonnée que plusieurs personnes s’excusent d’avoir émis des avis (au demeurant très constructifs) en regard du niveau de compétences culturelles qu’elles s’attribuent elles-mêmes. Et là je me dis que la pensée culturelle française fonctionne très bien encore. En effet, celle-ci est une pensée qui hiérarchise et selon son schéma, en haut de la pyramide se trouve la culture « savante » comme disait Bourdieu, c’est-à-dire la culture cultivée qui correspond à ce que j’appelle la culture officielle du ministère de la culture, « la conception bourgeoise de la culture », pour reprendre Daniel.
Or tout le monde a une culture donc tout le monde est habilité à parler culture. C’est pour cela qu’il n’y a pas La culture mais Les cultures, notre premier point de discussion qui semble acquis.
Débattre : ce brassage d’idées est bénéfique à notre réflexion. Et là je répondrais à Daniel que parler école est important car après la famille, c’est le lieu institutionnel où l’enfant reçoit un bagage culturel.
Je remettrai tes 4 sujets dans cet ordre : 1-critique de la conception bourgeoise de la culture, 2-culture/éducation (milieu familial), 3-école lieu de transmission des savoirs et j’ajoute l’Education populaire ici, car elle a été créée fin 19 è S. pour compléter celle de l’école ou pour ceux qui à l’époque n’avaient pas accès à l’école, 4-secteur culturel (économique) qui a pris un essor important dans les années 1980 par la professionnalisation.
Nous pouvons aussi parallèlement à ce brassage d’idées, penser à élaborer, co-écrire une intention, un vœu, un projet de charte… point par point dont le premier pourrait être notre vœu de définir la pluralité des cultures comme acception de la diversité, voie d’égalité entre les humains. Car la reconnaissance des cultures est bien à la base de l’égalité.
Est-ce que cela vous convient ? Ou non ? Si oui, quelle serait notre méthode ? Si oui, on peut déjà dresser une liste des points qu’on veut y voir, sans qu’elle soit définitive juste pour se donner un cadre de départ.
Au plaisir de vous lire,
Sophie Sainte-Marie Mon 22 Jun 2020 1:04PM
A mon sens, la conception bourgeoise de la culture n'est pas la seule à fonctionner de manière dominante, à essayer d'imposer son point de vue. La culture populaire reproduit les mêmes enjeux de pouvoir. Tout le monde comprend que l'un puisse aimer le pamplemousse et que quelqu'un d'autre n'aime pas ça. En revanche, la culture est faite d'affrontements et de reconnaissance d'appartenance à un même groupe. Pour moi, parler de diversité culturelle, c'est accepter les différences de goûts et de référentiels. Ce n'est pas prendre part à un choix esthétique, mais remettre en question le principe de domination.

Poll Created Thu 18 Jun 2020 5:39AM
Co-écrire une intention Closed Sun 21 Jun 2020 5:00AM
25 personnes ont voté : 19 votes en faveur d'une co-écriture d'intention, 5 s'abstiennent de donner leur avis, et une voix a exprimé son désaccord. La proposition a été vue par 259 personnes. 25 seulement ont souhaité voté. Je me suis renseignée auprès des administrateurs sur le nombre total des "fédérés" et il m'a été répondu que pour l'instant il n'était pas possible de le connaître. Plus de 1000 appels ont été lancés. Je m'en suis expliquée, pour moi cette proposition était surtout un prétexte à la discussion.
Elaborer collectivement, co-écrire une intention, un vœu, un projet de charte… point par point dont le premier pourrait être notre vœu de définir la pluralité des cultures comme acception de la diversité, voie d’égalité entre les humains. Car la reconnaissance des cultures est bien à la base de l’égalité.
Results
Results | Option | % of points | Voters | |
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Agree | 0.0% | 0 | |
Abstain | 0.0% | 0 | ||
Disagree | 0.0% | 0 | ||
Block | 0.0% | 0 | ||
Undecided | 0% | 217 |
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25 of 242 people have participated (10%)
Patrick Shan
Thu 18 Jun 2020 6:30AM
L’idée est noble, mais une nouvelle déclaration des droits de l’homme ne changera pas la nature humaine. Mieux vaudrait une révision de l’éducation, de la loi et de la justice.
Benoit
Thu 18 Jun 2020 6:58AM
Je ne suis pas spécialiste du sujet mais toute nouvelle déclaration de gens de bonne volonté est à prendre ;)

Soaz JOLIVET
Thu 18 Jun 2020 10:39AM
Nul besoin d'être expert ou spécialiste pour parler de ce que nous possédons tous, une culture faite de différents apports et pas toujours reconnue. La reconnaissance des cultures est vectrice d'égalité citoyenne. Les autres points importants en découlent.
Pourcher
Thu 18 Jun 2020 1:15PM
Quelle définition précise de la culture? La diversité ne dépasse t‘elle pas les cadres de la culture?
N‘y a t‘il pas dans la même culture des divisions, voire discriminations de classe, de genre, voire même de race?
il me semble que le mot DIVERSITÉ implique toutes les dimensions, personnelles et sociales, et qu‘il serait dommage de le réduire à - ou concentrer sur - un seul critère!??
Alice Dumoulin
Sat 20 Jun 2020 4:58AM
Et? On peut toujours faire des voeux... et donc? le risque de commencer par faire des chartes et se donner des règles avant même de vivre des choses, d'expérimenter des trucs, c'est de s'enfermer avant même d'avoir commencer! Qu'avons-nous déjà besoin de cadrer avant même d'exister... ???

Soaz JOLIVET Thu 18 Jun 2020 7:50AM
Patrick, il ne s'agit pas d'avoir la prétention de co-écrire un programme :) juste une intention pour trouver un consensus entre nous : de quoi parlons-nous quand nous parlons culture ? Benoit, justement nous n'avons pas besoin de spécialiste, chacun-e peut parler culture-s. :)
Sophie Sainte-Marie Fri 19 Jun 2020 10:45AM
Ceci dit, des "spécialistes" ont écrit à ce sujet. ce n'est pas inintéressant de lire la Déclaration de Fribourg : https://droitsculturels.org/ressources/wp-content/uploads/sites/2/2012/07/DeclarationFribourg.pdf
giroud Thu 18 Jun 2020 7:59AM
je proposais d'inclure dans la réflexion sur ce commun qui nous lie (culture) les pratiques politiques, que personne ne retienne ce que disent les autres -pour le discuter- n'est pas une discussion.

Soaz JOLIVET Thu 18 Jun 2020 8:21AM
On en est au début et nous devons être cléments envers nos maladresses. Les limites de l'exercice virtuel sont vite atteintes. La thématique de la ou les culture-s est tellement vaste qu'il est normal qu'au début on monte en latéralités, c'est de là aussi que nos propos peuvent ensuite s'affiner. Une autre méthode serait de décider ensemble de ne discuter que d'un point à la fois. Personnellement je suis ouverte à tout mais je crois qu'on doit décider ensemble le but de ce groupe. C'était un peu le sens de mon initiative sur une intention. Bien cordialement
Franc Bardòu Thu 18 Jun 2020 8:23AM
Ecrire un "programme", en domaine culturel, m'inquiète toujours un peu, par principe… Si je devais prolonger la "métaphore informatique", je concevrai plutôt un "anti-virus", un "firewall" afin de neutraliser automatiquement toute attaque impérialiste monoculturelle…
Ou bien culture est l'affaire de tous, et il s'agit d'un organisme vivant (et, bien sûr, évolutif) ou bien elle n'est l'affaire que d'une poignée (de prétentieux) et nous retombons alors dans le piège que nous dénonçons ici.
Mais nous pourrions procéder, pour établir notre consensus, en estimant importants les 4 sujets établir tout ce que sur ces points assez généraux, nous ne voulons plus voir perdurer :
1- conception bourgeoise (ou clanique, genre "populaire" ou "élitiste", par exemple) de la culture,
2- culture/éducation (milieu familial),
3- transmission culturelle et transmission des savoirs : Ecole, Education populaire, Médias de tous ordres
4- secteur culturel (économique) qui a pris un essor important dans les années 1980 par la professionnalisation.
Ne sachant ce qu'était "Dieu" (et comme je les comprends !) certains théologiens médiévaux établirent la "théologie négative", considérant alors qu'ils approchaient mieux leur sujet de considération en énumérant tout ce qu'il n'était pas… du genre "un vieux barbu sur un fauteuil", "un home plutôt qu'une femme", etc… Nous, la culture, lorsque nous la voyons, nous la reconnaissons et déclarons voilà, ça, c'est culturel !!! Nous avons un gros avantage sur eux…
giroud Thu 18 Jun 2020 1:06PM
Chers tous, j'avais proposé un groupe de travail culture et politique ; mais j'ai comme l'impression qu'on est dans un parti, je me retire assez déçue

Soaz JOLIVET Thu 18 Jun 2020 1:37PM
Un groupe culture et politique ? J'ai raté un commentaire alors. Je n'ai pas vu cet intitulé jusqu'à ce que vous le mentionnez aujourd'hui. Vous partez parce que personne n'a suivi votre proposition ? Peut-être que tout le monde ne l'a pas vu comme moi. Tout simplement. Et en haut de cette discussion c'est marqué thématique : culture. C'est normal qu'il y ait des idées différentes, divergentes... se fédérer c'est aussi accepter de laisser les débats se vivre. Vous pouvez reformuler votre proposition peut-être au lieu de quitter le navire...
Franc Bardòu Thu 18 Jun 2020 1:13PM
Un parti !!! Mais lequel ? Le mien est mort en 1914, avec Jean Jaurès…
Marianne Fischman Thu 18 Jun 2020 1:48PM
Il suffit de remonter le fil de discussion pour le retrouver. ça date du 15 juin.
Franc Bardòu Thu 18 Jun 2020 1:53PM
Mais en fait, le 15 juin, on a répondu, et pour autant que je sache lire, on a répondu oui…
Molécule Thu 18 Jun 2020 8:24PM
Bonsoir à toustes,
je suis un peu perplexe face à la discussion ici. J'ai déjà demandé, à l'ouverture du fil, de ce qu'il fallait entendre par "culture" : les pratiques artistiques amateurs et/ou professionnelles ? Ou bien la culture au sens des anthropologues ? Ce sont deux choses tout à fait différentes. Si on s'en tient aux pratiques artistiques, il s'agira toujours de la culture dominante. Il ne sert à rien de la mettre au pluriel : LES cultures, ce n'est jamais que LA culture émiettée selon les lieux ou les catégories sociales. C'est très visible dans une des interventions de Franc Bardou (rien de personnel, que du politique) : on divise le budget de la culture, mais qui décide de ce budget en premier lieu ? On donne sa quote-part à des instances géographiques mais qui décide de la réalité de ces instances ? Et ces instances redistribuent sur leur territoire, officiant ainsi comme autant de petits ministères de LA culture ! D'ailleurs, qui décidera qu'il faut donner au celtique et au gallo et pas au parler du Léon, par exemple ? On aura des petits Barons au leu d'un Grand Duc, mais sera-t-on bien avancé ?
Pasolini, qui pleurait le lessivage culturel subi par l'Italie dans les années 1960, proposait de parler d'UNE culture italienne divisée en une multitude de sous-cultures régionales, mais divisées aussi en sous-cultures sociales : une culture frioulanes, une culture romaine, mais aussi une culture bourgeoise, une culture populaire, avec chacune des expressions régionales - mais il affirmait une différence au moins aussi grande entre les cultures bourgeoises et prolétariennes romaines qu'entre les cultures de Rome et du Frioul. Et bien sûr, "sous-culture" ne signifiait pas chez lui "culture de moindre qualité" : les cultures "classiques" et les cultures de la Bourgeoisie (deux choses dissemblables, ô combien) ne valaient pas plus ou moins que les cultures ouvrières ou paysannes.
Je ne crois pas qu'il rentrait dans sa ligne de pensée la possibilité d'une régulation de ces cultures par les pouvoirs publics, fusse sous la forme de financements, fusse à des niveaux régionaux plutôt que nationaux. Est-il utile de rappeler que ces régulations, au moins au niveau national, ont été inventées d'abord par Staline et Hitletr - avant que de Gaulle ait trouvé que c'était une idée chic ? Défendre LA culture ou LES cultures dans la visée des financements de pratiques artistiques amateurs/professionnelles, n'est-ce pas finalement défendre le droit des autorités à contrôler ces pratiques ?
En attendant, l'autre face du mot "culture", celle désignant les expériences qui fondent les pratiques artistiques, restent complètement en dehors du viseur. Comment vit-on ? Comment dort-on, mange-t-on, baise-t-on ? Quelle est la conséquence réelle de l'obligation faite à touste locataire d'habiter "en bon père de famille" ? Pourquoi les pauvres fument-ils/elles plus que les autres et que veut dire pour eux/elles l'interdiction de fumer dans les lieux publics ? Pourquoi la séquestration des dirigeants d'entreprise n'est-elle plus tolérée sans que les syndicats trouvent à y redire ? Comment se fait-il que nous avons tous accepté de vivre 8 semaines enfermé.e.s ? Qu'a voulu dire la référence constante, pendant ce confinement, au "jour d'après", qui est le titre d'un film réactionnaire de Bob Zemeckis ?
Je pose des questions parce que je n'ai pas les réponses. Et surtout parce que les réponses que je lis ici me semblent tellement loin des enjeux, tellement peu à la hauteur de la situation. La seule chose que je crois savoir (parce qu'on croit tous et toutes savoir quelque chose, ne niez pas), c'est que tant qu'on réfléchira dans les cadres habituels, on en reviendra toujours aux solutions habituelles, celles qui n'ont pas marché, celles qui nous ennuient, celles qui reproduisent très exactement ce que nous essayons d'éviter.
Sophie Sainte-Marie Fri 19 Jun 2020 10:58AM
Jusqu'à il y a peu, mais c'est vrai que c'est en train de changer, un certain nombre de financement par le biais de subventions, ne donnait pas aux élus locaux le droit d'ingérence dans les programmations de lieux culturels. Il y avait donc pour les DAC (Directeurs des Affaires Culturelles) ou pour les directeurs de lieux, une liberté qui semble se perdre par ci par là. Je pense que nombreux sont les gens qui attendent de voir le résultat des élections municipales pour savoir si leurs postes seront reconduits.
Dans certains secteurs de la Culture, je pense là aux "artistes-auteurs", les syndicats ne sont même pas considérés comme les représentants légitimes de leur profession à qui on préfère les gestionnaires de gros sous type Sacem ! Ça a une incidence très concrètes sur la vie des artistes-auteurs à qui Macron, récemment, a demandé "d'enfourcher le Tigre" et, comme Robinson Crusoé ?! de "descendre à la cale chercher du pain et du jambon" !!! Surréaliste !
Franc Bardòu Thu 18 Jun 2020 9:46PM
Molécule, si votre culture était en train de crever comme la mienne (suite aux choix répétés et délibérés d'un état de culture dominante différente de la vôtre), si les beaucoup trop rares cours de votre langue et de votre culture étaient en train de disparaître sous les coups de boutoirs manageriaux qui sont en train de supprimer mon enseignement, celui de l'occitan, vous ne trouveriez peut-être pas hors sujet les questions que je suis bien obligé de mettre en avant.
Quelle est donc cette chose étrange qu'on appellerait le "peuple occitan" ? C'est un peuple qui parle occitan. Supprimer la langue, et vous supprimez le peuple ! Supprimer sa transmission familiale, et la solution finale n'est déjà plus très loin. Changer une telle politique ne me semble pas exactement bourgeois, ni spécieux…
L'ultime voie de transmission se fait par l'école, par la culture vivante des arts et spectacles et par la littérature. Si pour des raisons de réduction toujours plus drastique de dépenses publiques, litote ultralibérale imposée depuis 40 ans, d'une part, et d'autre par d'hégémonisme français généralisé à tout l'hexagone vieux d'au moins cinq siècles, le peu qui se fait pour l'occitan, (le breton, le catalan, le basque, le corse, etc…) est supprimé, c'est mon peuple qui disparait : et ça s'appelle un génocide.
Supprimer un peuple, même simplement par des choix législatifs (Langue officielle ou non ?) éducatifs (Quelle est la langue d'enseignement choisie ? Dans quelle langue peut-on par la suite trouver un emploi satisfaisant ?) et médiatiques (De quels supports intellectuels et artistiques bénéficiera ou non une langue ?), c'est toujours supprimer un peuple. Excusez du peu… Si le sujet vous semble spécieux, à moi, il me semble essentiel, il me semble vital, il me semble central. Tous les peuples ont le droit d'aspirer à survivre. Les plus forts qui bouffent les plus faibles, je laisse ça aux fascistes. Supprimer une langue ou la laisser s'effacer sans rien faire, c'est participer tranquillement à l'effacement d'un peuple de la carte du monde. Rien à battre parce que les pauvres sont pauvres ? Merci, j'en suis un, comme mes copains gilets jaunes avec qui je parlais en occitan sur les ronds-points, et mes parents étaient sans diplôme, alors je suis également au courant du fardeau de la pauvreté…
Vous vous demandiez ce que nous entendons par culture : pour moi, une culture, c'est a minima une langue (qui permet de l'identifier, de la nommer), une littérature (écrite et/ou orale), un vaste ensemble de productions artistiques, de productions imaginaires, de productions culinaires, une vision du monde (hiérarchisé ou non) et puis aussi, bien sûr, tout ce que vous énumérez… L'un excluant pas l'autre.
Mes suggestions de répartitions budgétaires n'avaient qu'un objectif quantitatif : démontrer qu'avec une même somme, on peut très facilement soutenir la diversité culturelle, au lieu d'entretenir la monoculture dévastatrice actuelle. Une langue dominante n'a pas besoin d'être soutenue. En revanche, une langue dominée, et donc fragilisée par voie politique, a besoin d'être soutenue par une contre-politique, comme un malade a besoin d'être soigné pour guérir. Et cela se décide politiquement. Et une politique a besoin de moyens pour sa mise en œuvre. Et ses moyens se décident. Je serais favorable à ce que le peuple vote les lois et les budgets, sans intermédiaires entre eux et les décisions.
Les littératures occitane, bretonne, corse par exemple, ont besoin d'un soutient public pour financer leur existence matérielle, parce qu'il est très difficile, avec un lectorat réduit (par le non enseignement de la langue qui n'est plus transmise par voie familiale) et une visibilité médiatique archi-nulle, de vendre beaucoup de livres (et de rentrer ainsi dans nos frais éditoriaux associatifs). Vivre de sa plume pour un écrivain breton ou occitan est inimaginable. Je ne vois guère en quoi recevoir quelque dérisoire aumône publique ferait de ma culture dominée une "culture dominante" car enfin, elle dominerait quoi, exactement ? Et pourtant, cette littérature réduite à la mendicité pour survivre est étudiée dans plus de 200 universités à travers le monde. Elle a donc peut-être quelque valeur, autre que financière, justifiant qu'on puisse se soucier de la voir poursuivre quelque existence…
Sophie Sainte-Marie Fri 19 Jun 2020 11:13AM
Il me semble que l'apprentissage des langues dites régionales, que la reconnaissance même de leur existence, est combattue d'une manière qui se rapproche assez de ce que Macron appelle la Francophonie. J'étais assez heureuse que Alain Mambanckou refuse la mission qui lui avait été proposée. La pensée coloniale, extérieure et intérieure, est toujours de la même veine. Il me semble qu'il faudrait s'allier à d'autres pour que le sujet soit enfin entendu. L'école enseigne à nos enfant une Histoire nationale. Je me bats moi-même avec mon fils de 16 ans pour lui expliquer, depuis longtemps déjà que les recettes régionales ne sont pas françaises. Mais pour lui, si une région est incluse dans le territoire métropolitain, la recette est française. Il fait une exception pour la cuisine antillaise... Ca me désespère. De même, il pensait sincèrement que "Les racines de la France sont chrétiennes". Le paganisme, quoiqu'il ait entendu les histoires de Pierre Gripari toute son enfance, est une chose dont il n'a jamais entendu parler à l'école, au collège ou au Lycée. Or le paganisme s'inscrit aussi dans une Histoire régionale. Les petit saints bretons, les santons de Provence et j'en passe, sont autant de choses qu'on cherche à gommer, donnant ainsi à Nadine Morano, du crédit à sa bêtise et à son ignorance.
Franc Bardòu Mon 22 Jun 2020 1:24PM
C'est en occitan que mes élèves de collèges apprennent combien de langues sont parlées en Afrique, en Chine, en Inde… et en France !!! Et encore, je ne leur parle que des langues "historiques" car si nous y ajoutons les langues portées par les immigrés, nombreux dans mes cours, la biodiversité culturelle est riche et étincelante !
Sophie Sainte-Marie Mon 22 Jun 2020 1:37PM
MAGNIFIQUE !
Molécule Thu 18 Jun 2020 10:08PM
Si j'ai pensé que les quelques questions que j'ai posées plus haut, méritaient de l'être, c'est précisément parce que je ne trouve le sujet ni "spécieux" ni "bourgeois". Je remets seulement en cause l'idée que les pouvoirs publics qui ont fait et font encore disparaître la plupart des langues partout dans le monde, que ces pouvoirs publics qui sont le problème, pourraient devenir tout-à-coup la solution. Les pouvoirs publics sont exclusifs, comme tous les pouvoirs, et si telle culture bénéficiait de leur reconnaissance, ce ne pourrait être qu'au détriment d'une autre. Pour qu'il en soit autrement, il y faudrait une révolution, au plein sens du mot, et les termes du débat en seraient tout bonnement transformés. En attendant, il me semble que la seule chance de toutes les cultures minoritaires (et il en a beaucoup qui ne passent pas par des langues minoritaires reconnues) serait, en premier lieu, d'attaquer la notion de culture beaucoup plus violemment que par la seule pluralisation.
Sophie Sainte-Marie Fri 19 Jun 2020 11:21AM
La France est un pays profondément jacobin. Les fédéralistes régionalistes (pro européens) dans les années 70, étaient tous sur écoute. En vallée d'Aoste, ils ont malgré tout eu gain de cause. En Corse, les gens parlent à nouveau leur langue, en Bretagne, c'est plus compliqué, mais enfin, on ne frappe plus les enfants qui parlent Breton. Mais y a-t-il un seul manuel d'histoire qui parle de cette répression qui a duré si tard ?

Ekim Deger Fri 19 Jun 2020 2:43PM
Si je peux me permettre, et bien que je crois comprendre ce que tu veux dire, je ne vois pas en quoi des pouvoirs publics qui aujourd'hui font disparaître des langues ne pourraient pas demain favoriser la diversité linguistique. C'est une question politique.
Molécule Sat 20 Jun 2020 10:13PM
Les "pouvoirs publics" sont, justement, des "pouvoirs". Ils doivent trouver leur point d'application par un jeu d'inclusion/exclusion. On appelle ça la loi. Si, demain, ils décident de favoriser telle ou telle langue, telle ou telle culture,c'est qu'ils considéreront que l'une et l'autre sont mûre pour rentrer dans la culture désignée comme dominante.
Et je dis bien la culture "désignée" comme dominante, car les choses seraient d'une simplicité biblique s'il y avait tout simplement une culture dominante et des cultures dominées. Mais j'y reviens plus bas. Merci quand même d'avoir vraiment lu ce que j'écrivais, car ce n'est apparemment pas le cas de tout le monde ici.
Sophie Sainte-Marie Mon 22 Jun 2020 1:06PM
Si si ! On lit ! Mais ce groupe est très riche ! Pas toujours le temps de répondre !
Franc Bardòu Mon 22 Jun 2020 1:32PM
Donc, Molécule, j'avais raison de considérer que nous n'entendons pas par "dominante" la même chose. Je crois que j'ai une posture anarchiste : je refuse toute domination. Je refuse que ma langue soit dominée. Mais je n'ai aucune envie qu'elle domine quoi que ce soit. Je veux juste qu'elle ne soit plus dominée, que cesse complètement toute tentative politique d'amoindrir son droit d'être à tous les niveaux communicationnels d'une société humaine.
Tandis que vous considérez — si je ne me trompe pas lamentablement — qu'à partir du moment où une instance de "pouvoir" décide de prendre (tant soit peu) en charge le moindre frémissement sectoriel d'une langue dominée, elle deviendrait en cela "dominante" parce le pouvoir la porterait. Est-ce bien votre point de vue ? Dans toutes les langues, les mots sont tous des amis et des ennemis, parce que nous ne leur donnons pas tous le même sens. Dès lors, on pourrait en venir à nous disputer, juste à cause des mots qui nous jouent des mauvais tours. Au plan symbolique, j'appelle cela "les ruses d'Hermès".
Franc Bardòu Fri 19 Jun 2020 8:37AM
Le "pouvoir public" nuit ; veut-on le changer ? Une fois changé, peut-être nuirait-il moins ? Auquel cas, proposer dès maintenant des pistes afin de moins nuire n'est pas ridicule.
Après, bien sûr, si l'on considère que le pouvoir nuit quoi qu'il advienne, il faut le supprimer. Ce qui signifie qu'on a derrière son élimination, un projet anarchiste bien structuré, et pas d'armée franquiste, nazi ni fasciste en face pour le balayer d'un revers de bombardement de populations civiles, pendant que les voisins en ricanent… Est-ce l'arrière plan de la pensée critique de Molécule ?
Molécule Sat 20 Jun 2020 10:17PM
Quelle violence dans cette réponse ! Technique rhétorique classique : extraire une partie de ce que dit l'interlocuteur, l'essentialiser et attaquer dessus, au mépris de ce qui a été dit Les linguistes marxistes considèrent la langue comme un jeu agonistique et toute prise de parole comme un mot d'ordre. Je doute d'autant moins de leur lucidité que vous en donnez un exemple caricatural. Bien dommage quand on prétend défendre des parlers minoritaires.
Sophie Sainte-Marie Fri 19 Jun 2020 10:42AM
Les Politiques Culturelles doivent, pour la majorité des élus, être la réponse à des enjeux :
"Rayonnement de la France"
Attractivité Territoriale"
"Renforcement du lien social"
"Engendrer des retombées économiques"
"Faire des économies".
Chaque fois qu'une proposition est évoquée, on peut se dire qu'elle "coche" une ou plusieurs de ces 5 cases. A ces 5 cases, qui sont une sorte de retour sur investissement, vous en ajoutez une 6e, les "Droits Culturels". La Déclaration de Mexico, en 1982, puis la Déclaration de Fribourg, en 1993 et enfin la Déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle, en 2001, se penchent sur ces questions spécifiques.
Depuis la Déclaration de Fribourg, tout le monde est d'accord pour dire que les Droits culturels, tels que vous les entendez, doc, est d'une extrême importance, d'autant que les Droits culturels "renforceraient le lien social" et que le non respect de ce droit "génèrerait des tensions". Il faut donc, de préférence, les relier à l'un des 5 principes cités plus haut... C'est ainsi que le Pass Culture permet de soutenir des industries culturelles (cinéma, jeux vidéo, édition de livres et de musique...) tandis que le théâtre ou le sculpture ne sont que des circuits artisanaux. Et le Pass culture soutient de fait un autre secteur, celui des applications numériques chères à ce gouvernement !
A la question des Droits culturels et de la Culture, s'ajoute la question de centralisation et/ou de la décentralisation, c'est à dire de la gouvernance. La Loi NOTRe et la loi Maptam ont redéfini les compétences territoriales. Tel territoire est compétent, mais la compétence est-elle une obligation de moyens financiers ?
Bientôt, la loi "3D" pour "DÉCENTRALISATION, DIFFÉRENCIATION ET DÉCONCENTRATION", devrait être votée. La question est donc, à laquelle (ou lesquelles) des 5 cases citées plus haut, pourra-t-in la rattacher en terme d'efficacité ? Du côté de gouvernement actuel et des parlementaires, il y a des chances qu'elle soit efficace à "Faire des économies"; du côté des élus territoriaux (communes, interco, métropoles, départements, régions), puisque les dotations de l'Etat ne devraient probablement pas suffisamment augmenter, ils espèrent sans doute des "Retombées économiques" pour leurs territoires et un "Renforcement de l'attractivité Territoriale."
Nous sommes donc très loin des Droits culturels que vous évoquez.
Je ne crois pas qu'il faille opposer Culture ceci ou Culture cela. Tout est une question de moyens financiers, opposer les choses, c'est avoir renoncer à obtenir suffisamment de moyens pour tout le monde. C'est renoncer à demander plus, tout simplement.
Mais stopper le boycott pure et simple des cultures particulières, régionales ou autre, ne couterait pas cher. Nous arrivons donc au 7e point de la pensée de la Politique Culturelle, l'idéologie coloniale.
Expliquer aux enfants qui vivent dans ce pays, que la France, au Moyen-âge, ne connaissait que deux langues et qu'elle n'en connait plus qu'une, c'est évidemment idéologique. "L'expérimentation 2S2C", (pour Sport, Santé, Culture, Civisme) vise à retirer des missions de l'enseignement les 2S2C en question pour les "recentrer sur les enseignements fondamentaux. Tandis qu'on entend parler des EAC, (pour Enseignement Artistique et Culturel) le nombre de postes de professeurs pour ces enseignements diminue drastiquement.
De mon point de vue, il faut se battre sur tous le fronts pour que les politiques culturelles ne soient pas limitées à une vision purement marchande ou nous ne serions plus que des consommateurs de biens ou de services. La décentralisation à outrance produira plus de Festivals (aux retombées économiques nombreuses), cela ne peut pas suffire à nos envies, à nos rêves, à nos besoins.
https://reseauculture21.fr/wp-content/uploads/2015/09/dossier_droits_culturels-FNCC.pdf
Franc Bardòu Fri 19 Jun 2020 2:13PM
Entièrement d'accord :tous ces combats n'en sont qu'un seul.
J'aimerais revenir sur cette chose répugnante (à mon point de vue) évoquée en cinq points, parce que ça, c'est méchamment concret, et que c'est effectivement la réalité que l'on nous impose et que l'on doit combattre :
Les Politiques Culturelles doivent, pour la majorité des élus, être la réponse à des enjeux :
"Rayonnement de la France" : Ma culture (dans sa dimension occitane) s'étend aux territoires politiques de la France, l'Italie et l'Espagne. Je fiche que ces trois états rayonnent on ne rayonnent pas, pourvu que ma culture et ma lange survivent et évoluent jusqu'à redevenir tout simplement normales, au sein d'un espace a minima "démocratique". Après, bien sûr, si la survie puis le redéploiement de la culture occitane fait incidemment rayonner la France, à la bonne heure, je n'ai rien contre et même j'en suis enchanté, mais tel n'est pas le but, ça va de soi. Car un peuple n'est lui-même que parce que il se le doit à lui-même (au sens "devient ce que tu es"), et certainement pas pour faire reluire le placard à médaille de son voisin…
"Attractivité Territoriale" : lorsque des artisans, des artistes créent, lorsque les gens s'efforcent d'être qui ils sont au lieu de singer des comportement incités par la publicité consumériste, ils ne racolent pas ; ils ne font pas étalagistes pour des marchands de fadaises touristiques. Ils expriment l'humain, sous toutes ses formes, tel qu'il émane à moment donné d'un peuple et/ou d'un lieu (par exemple de lieux d'échanges et de rencontres). Ils en expriment tout ou partie de contrastes opposant plaisant et déplaisant, attirant et repoussant, beau et laid, la joie, mais aussi la colère, la douceur, mais aussi la rage. Les cultures et les actions culturelles ne sont pas de la séduction ni n'ont pas à l'être, et en tous cas, surtout pas à s'y limiter. Tenir des propos séduisants peut aller du baratin lourdingue jusqu'à des poèmes sublimes, mais fort heureusement, l'art et le fait culturel sont loin de n'être que cela : ils sont l'expression, du plus collectif jusqu'au plus confidentiel, de tout ce qu'on a dans le cœur et dans l'âme… Au second de ces cinq points, au contraire, il me semble que l'action culturelle, le fait culturel (par exemple : Comment on se comporte au café ? Pourquoi on écrit des poèmes ?) est intolérablement confondu avec un panneau publicitaire territorial. Cette confusion est inadmissible et devrait être rejetée, fermement. Il me semble.
"Renforcement du lien social" : tout acte artistique crée par définition du lien social ; quand ma mère inventait un conte pour m'endormir, enfant, elle était une artiste puisant dans l'imaginaire de son peuple et créait un lien fort, non seulement entre personne, mais également avec les paysages auxquels elle se référait et avec ses habitants, que je pouvais alors, par la suite rencontrer. Quel art authentique, même le plus humble, comme celui-ci, ne ferait-il pas lien ? Cependant, il me semble que ce troisième point en dit trop peu pour n'être pas dangereusement ambigu. Car enfin, qu'entend-on par "lien social" ? Il ne faudrait pas que les liens en questions cachent des rapports d'aliénation des gents les uns aux autres, mais bien plutôt de liens "respectueux, mutuels et équitables". Un lien d'aliénation ? Toutes mes œuvres littéraires à caractère social rêvent de le détruire, par exemple… en vue de proposer d'autres liens sociaux. Si la soumission contrainte (le salariat, par exemple, ou l'esclavage) est un lien social, l'amour libre et l'élan solidaire n'en sont-ils pas deux de tout autre nature ? Et tout cela peut prétendre être "un lien" en société… Il faut absolument se libérer d'une telle contrainte de "faire lien" a tout prix car beaucoup de liens en ce monde ne sont bons qu'à défaire…
"Engendrer des retombées économiques" : les artistes et les transmetteurs de savoir ne sont pas des marchands ni des marchandises. Il m'est insupportable d'entendre parler de culture sur ce monde : "ça rapporte ou ça dégage" ! Pour en mesurer l'horreur, il suffit de porter un tel point de vue, asséné comme une évidence universelle, sur la question de l'amour, qui touche lui aussi à la cuture…
"Faire des économies". A cette ultime abjection, j'opposerai un truc tout simple, juste pour me passer les nerfs : rincer les multimilliardaires qui sont et ne peuvent qu'être des voleurs (car comment "gagner" la gabegie de pognon astronomique dans laquelle ils baignent sans raison chaque jour davantage ?), taxer très lourdement partout les transactions financières, puis ainsi "faire des recettes publiques" et pouvoir alors dépenser tout le nécessaire à l'intérêt public, culturel entre autre.
En conclusion, le corset administratif et managerial que nous signale très justement Sophie Sainte-Marie me parait insupportable. Il pourrait servir de départ à une communication "fédérée", non ? Se positionner face à un tel impératif, comme s'il allait de soit, c'est peut-être un bon départ…
Sophie Sainte-Marie Fri 19 Jun 2020 2:39PM
Evidemment d'accord ! Malgré tout je vais préciser le 3e point.
Le renforcement du lien social pose deux questions, l'une financière, l'autre de liberté de création. Je ne suis pas certaine que tous les artistes-auteurs ou artistes-interpètes soient intéressés par le lien social. A vrai dire, il y une opposition très saillante entre le foutu "Rayonnement de la France" et le "Lien social". Jeff Koons se fiche probablement du lien social, plus intéressé par son rayonnement personnel. Mais enfin, non pas que j'aie une passion pour Jeff Koons, mais on ne peut tout de même pas obliger tous les artistes à "créer du lien social", puisqu'il s'agit d'une notion très particulière qui ne s'applique pas aux riches. Le lien social, c'est le lien social à destination d'un "public empêché" et qui s'ennuie, puisqu'il ne se sent pas bien accueilli dans les structures institutionnelles. "Les jeunes des quartiers" sont donc la cible des politiques en question.
Ensuite, je ne sais pas si je l'ai dit ici, mais la politique culturelle est financée par deux systèmes bien différents. Une politique dite "de droit commun", financée, plus ou moins par des subventions publiques et par le secteur privé ; et une politique prise en charge par la Politique de la ville, c'est à dire qu'elle est financée au regard de problématiques particulières sur des territoires définis. Ces territoires, sous Sarkozy, ont baissé de moitié. Certains préfets et délégués du Préfet ont eu le culot de nous dire que c'est parce que "ça allait beaucoup mieux". Non, ça ne va pas beaucoup mieux, les territoires répertoriés sont deux fois moins nombreux parce qu'il fallait, encore, faire des économies, les critères, à la demande de Sarkozy, ont donc simplement changé... Beaucoup d'activités sont ainsi financées, au titre de la Politique de la Ville, par des communes et des bailleurs sociaux. Encore faut-il faire des demandes de subvention au projet (et non plus au fonctionnement). Ce qui est très surprenant, c'est que comme les garçons sont les premiers bénéficiaires des crédits alloués à la Politique de la Ville, on demande aux acteurs de la Politique de la Ville de créer des ateliers pour les filles, afin de compenser. Il faut se battre gentiment pour expliquer ce qui tombe pourtant sous le sens, le sport plait au garçon, les activités culturelles plaisent plus aux filles, étant donné la proportion d'activités sportives qui sont subventionnées, il y a très peu de garçons qui peuvent accéder à des activités dites culturelles. Le sexisme peut donc être ajouté à notre longue liste de trucs relous !
Franc Bardòu Mon 22 Jun 2020 1:11PM
Voilà bien des considérations précieuses, Sophie, qui m'échappent complètement, et qu'il est indispensable de prendre en compte. Notamment le fait que tout artiste n'est pas (ou ne se considère pas) engagé, au plan social. Je prends être un peu trop mon cas pour une généralité… Il est excellent qu'on soit nombreux à réfléchir à tous ces aspects.
Sophie Sainte-Marie Mon 22 Jun 2020 1:27PM
Le star système (case rayonnement d'un pays), c'est forcément penser les choses de manière assez égoïste. Quand un gouvernement prend, pour discuter de culture, des "têtes d'affiche", il convoque des gens qui n'ont pas forcément connaissance des enjeux collectifs, des difficultés que rencontrent la majorité des artistes qui sont pauvres...(heureusement, des fois, nos gouvernants sont tellement incultes qu'ils invitent à leur table des gens de gauche, oups !) Si les intermittents sont largement unis depuis longtemps, du côté des artistes-auteurs, les gens sont très isolés et très peu sont syndiqués (Là, je ferais bien la promo du CAAP, Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs et des artistes-autrices). Les pouvoirs publics profitent du faible nombre de syndiqués pour faire semblant qu'il n'y a pas vraiment de parole unifiée du côté des plus nombreux, mais des plus faibles.

Ekim Deger Fri 19 Jun 2020 3:04PM
Je partage tout ce qui a été dit.
Il faut lutter contre la "managerialisation" de la culture afin de permettre à toutes les différences de s'exprimer librement.
Cela nécessite un cadre politique qui permettrait de valoriser les diversités culturelles.
Sophie Sainte-Marie Mon 22 Jun 2020 1:12PM
Et il faut lutter contre toute tentative de domination. Mais à mon avis, la seule manière de le faire, c'est de promouvoir, POUR DE VRAI, la (re)connaissance des diversités culturelles. Quand on voit les programmes télé, quand on voit les lectures proposées en classe, on se dit qu'il y a de la marge ! Faire connaitre les travail d'auteurs de tous les pays et de toutes les langues et de toutes les régions, voilà qui serait sympathique. Qui d'entre nous a eu la chance de lire, en classe, un auteur haïtien, africain, japonais ? Je me souviens d'une prof de français qui avait expliquer à mon fils que la littérature française était la plus grande du monde. Exit les auteurs classiques des autres pays, exit les auteurs occitans, bretons, exit même les traductions, ne parlons même pas des auteurs contemporains...

Soaz JOLIVET Sat 20 Jun 2020 6:57AM
Bonjour à toutes et tous, bravo à celles et ceux qui prennent le temps de s'impliquer et faire avancer la réflexion. Cette richesse qu'est le temps me fait justement défaut pour tout suivre. Je lis un peu en diagonale surtout quand les exposés sont longs. Veuillez m'en excuser. Je retiens tout de même qu'un fil conducteur se dessine et j'appuie la dernière phrase de Ekim Deger : "...un cadre politique qui permettrait de valoriser les diversités culturelles". (Point de détail : la diversité culturelle de par son sens, implique la pluralité :) ) Nous entendons bien sûr la diversité dans son sens le plus large (de classe, de genre, géographique,...)
Il est vrai qu'il y a la Déclaration de Fribourg mais nous savons tous que les déclarations ne suffisent pas. Il est vrai qu'il y a les lois NOTRe et LCAP mais toutes les communes de France n'ont pas les mêmes moyens de les appliquer. Ceci étant nous ne proposons de réfléchir qu'à un cadre qui serait dans nos capacités de promouvoir auprès des autorités et instances concernées. Afin que notre "intention", proposition soit écoutée et prise en considération nous avons à considérer ce qui existe déjà, la façon dont cela est appliqué et nous saisir des manques pour montrer que justement ce sont ces manques qui sont à l'origine des inégalités.
Je veux vous proposer un texte de Fabrice Raffin "Pourquoi la culture est un endroit de conflit social", qui interpelle sur les inégalités sociales liées à une culture centralisatrice telle que vécue jusqu'à maintenant en France, l'un des points de départ de nos réflexions : https://www.cairn.info/revue-nectart-2019-1-page-118.htm
Je le mets en pdf en fichier joint aussi.
Peu de vote pour l'instant à la proposition d'intention. Nous verrons demain.
Bon week-end à toutes et tous.
Molécule Sat 20 Jun 2020 10:29PM
"Point de détail : la diversité culturelle de par son sens, implique la pluralité :)". Mais la culture dominante aussi implique la pluralité, il me semble. C'est en tout cas ce que je retiens aussi bien de l'analyse de Pasolini et de son concept de "sous-culture" que de celles de Foucault dans Les Mots et les choses sur les systèmes de discours.
Pour mémoire, Pasolini était un poète frioulan, homosexuel, d'origine rural et émigré à Rome où il fréquentait aussi bien l'intelligentsia que le sous-prolétariat, se réclamant du marxisme et du christianisme dans un seul mouvement. Il a été battu à mort par des fascistes près de la plage d'Ostie. Je le crois bien placé pour réfléchir sur les minorités. Et justement, la culture dominante est, pour lui, tout autant constituée de sous-cultures que les cultures dominées. La pluralité, la diversité ne sont pas contradictoires avec la domination.
Pour Foucault, un système discursif, dans une époque donnée, est constitué d'une série d'énoncés dominants affrontés avec une série d'énoncés dominés. Ces deux séries d'énoncés communiquent l'un avec l'autre par des communautés de thèmes, de lexiques, de formes argumentatives. Et ils forment ensemble ce qu'on peut appeler la culture dominante de l'époque. Là encore, il y a bien pluralité de la culture dominante. Mais il y a bien plus : il y a que la position de dominés est en composition avec la position de dominants dans la culture dominante. Les dominés, dès qu'ils se définissent comme tels, se définissent DANS le système de domination et le perpétuent. D'où mes questions initiales sur la nécessité de changer les termes même du débat pour être à la hauteur - questions qui me semble toujours aussi valables.
Franc Bardòu Sun 21 Jun 2020 3:44PM
Je vous présente mes plus humbles excuses, Molécule, mais je ne crois pas comprendre grand chose votre tout dernier paragraphe. Je dois être un peu nul en pensées techniques moléculaires. Je connais certains poèmes que j'ai lus en frioulan (et occitan en regard) du pas assez fameux Pasolini. Mais jamais ils ne me laissaient interdit comme votre point de vue ici présenté. Aussi, je ne sais trop bien quoi vous répondre. J'ai l'impression (l'illusion ?) que nous ne parlons pas de la même chose lorsque nous disons d'une langue (et de sa culture, et donc de son peuple) qu'elle est dominante ou dominée.
Pour illustrer en quoi j'estime que l'occitan, par exemple, est une langue strictement dominée (en France), voici un point de vue extrêmement simple et pratique : lorsque, dans l'espace géographique de la langue occitane (des Alpes du Sud italiennes incluses jusqu'à l'Océan Atlantique et du nord du Limousin et de l'Auvergne jusqu'aux Pyrénées et à la Méditerranée, je pourrai marcher à pied et m'arrêter partout pour parler a n'importe qui (sauf bien sûr à certains touristes) dans la langue vivante historique de ce territoire, l'occitan, en étant compris (c'est à dire sans être contraint de passer par le français pour me faire comprendre) ma langue ne sera plus dominée. Quand je pourrai passer n'importe quel contrat officiel, n'importe quel examen ou concours sur ce même territoire en occitan, quand je pourrai accéder à la loi (la même pour tous bien sûr) en occitan, ma langue ne sera plus dominée. Quand je pourrai aller voir n'importe quel film doublé en occitan (et non pas en exclusivement en français) ma langue ne sera plus dominée. Enfin, aussi et surtout, lorsque tous les enfants dudit territoire recevront le savoir dans cette langue, ma langue ne sera plus dominée. Et dans une telle utopie, si l'on n'a pas encore renoncé à élire des guignols pour penser et voter les lois à notre place, ces derniers ne pourront être élus que s'ils ont fait campagne dans la langue dudit territoire. Alors là, oui, ma langue ne sera plus dominée. A partir du constat de manques aussi considérables, je me range à l'avis de Daniel Guérin lorsqu'il écrit : « Chaque peuple a le droit d'être lui-même et personne n'a celui de lui imposer son costume, ses coutumes, sa langue, ses opinions et ses lois. » (in L'anarchisme, Gallimard, 2001).
Tout le monde s'en fiche, bien sûr, mais je préfère les films en v.o… sous-titrés en occitan !
Sophie Sainte-Marie Mon 22 Jun 2020 1:13PM
La pluralité, oui, sans cela, rien n'est possible !

Soaz JOLIVET Sat 20 Jun 2020 7:18AM
En réponse à Alice Dumoulin qui écrit : "Et? On peut toujours faire des voeux... et donc? le risque de commencer par faire des chartes et se donner des règles avant même de vivre des choses, d'expérimenter des trucs, c'est de s'enfermer avant même d'avoir commencer! Qu'avons-nous déjà besoin de cadrer avant même d'exister... ???"
L'idée de ce vote m'est venue parce que j'ai posé la question : Quel est le but de ce groupe de travail ? Sans réponse, j'ai voulu faire cette proposition d'écriture collective, prétexte pour faire discuter les gens. Justement pour ne pas s'enfermer dans un programme. La thématique est si vaste qu'il est important pour des personnes d'un même groupe de réflexion d'échanger librement sur ce nous voyons les uns et les autres.
Sur la forme : Personnellement je m'efforce d'adopter un ton courtois, base indispensable des échanges sur des réseaux sociaux dont le format "virtuel" est une difficulté de communication par rapport aux discussions en présentiel. La répétition de Et ? et donc ? et votre dernière phrase suivie de ??? laisse voir un agacement qui j'ose espérer, dépasse votre intention qui est de nous alerter sur le risque d'enfermement d'un cadre.
Sur le fond : Pour vous reprendre, "Qu'avons-nous déjà besoin de cadrer avant même d'exister... ???" " La question mérite d'être posée mais elle doit être contextualisée. Nous sommes ici sur une plateforme numérique. Existerons-nous en tant que mouvement au-delà de cette plateforme ? Rien n'est moins sûr. Il ne s'agit pas de la seule ni la première initiative en la matière. Peu de groupes survivent à ces premiers élans. Justement parce que la communication y est très difficile. Beaucoup de jugements et présupposés sont de réels obstacles. Ensuite, concernant notre thématique, nous existons tous, nous vivons dans notre propre culture ou notre propre diversité culturelle selon ce que nous pensons de la chose. Nous sommes en capacité de discuter sans nous laisser enfermer dans des idéologies.
Molécule Sat 20 Jun 2020 10:31PM
Bonsoir, c'est quoi, une "idéologie" dans laquelle nous serions capables de ne pas nous laisser enfermé.e.s ?
Franc Bardòu Sun 21 Jun 2020 3:22PM
C'est quand un discours préétabli, de nature idéologique, prend le relais de la réflexion personnelle et de la réactivité aux données et aux événements nouveaux pour penser à notre place. Enfin, en tous cas, c'est comme cela que crois comprendre l'expression de Soaz…
MAUREL Sun 21 Jun 2020 8:43AM
Le concept de culture fait partie de ces concepts qui ont une extension et une compréhension dont il est devenu extrêmement difficile de définir les limites - sauf à le réduire à la conception institutionnalisée que nous en donne et nous en impose le Ministère de la Culture à savoir les "œuvres de l'art et de l'esprit" (Malraux) qui en font une quasi religion ou un ''anti-destin'' (Malraux). Jean-Claude Passeron avec qui j'ai fait ma thèse nous permet d'y voir beaucoup plus clair en pensant la culture selon trois registres essentiels : 'les styles de vie'' qui structurent la vie d'un groupe (des sociétés premières aux créateurs de Start-up pour donner deux exemples très éloignés l'un de l'autre). Ainsi, tout le monde a une culture et le concept d’accession à la culture perd alors toute sa pertinence. Le deuxième sens concerne les ''comportements déclaratifs'' à savoir les représentations que les individus se font d'eux-mêmes et du monde dans lequel ils vivent que cela soit d'une manière savante (les discours théoriques, les sciences humaines, les idéologies et formes de consciences sociales qui structurent un groupe, les mythes...) ou d'une manière quotidienne et spontanée pour dire ce que l'on est et ce qui nous différencie des autres. En ce sens là, tout individu a une culture au sens où la seule chose qui reste, par exemple à un migrant, c'est cette culture là alors qu'il a tout perdu ou abandonné, et lui permet cependant de tenir encore debout. Le troisième sens du mot ''culture'' renvoie aux ''œuvres valorisées'' dont il s'agit d'assurer la protection (le patrimoine), la diffusion organisée (la démocratisation) et l'amplification par des œuvres nouvelles (la création artistique).
Mais ces distinctions n'épuisent par pour autant la compréhension et l'extension du concept de culture la réduisant à des pratiques quotidiennes, à des représentations et discours que ceux-ci soient ''sporadiques'' ou ''savamment construits en systèmes'' (Passeron, "Le raisonnement sociologique") où à des œuvres valorisées (savoirs savants, arts...) souvent réservées à une minorité dite ''cultivée'' ( voir "La distinction" de Pierre Bourdieu ou "Le savant et le populaire" de Grignon et Passeron). La culture doit être également comprise comme une ''praxis'' de transformation sociale et politique, à savoir les différentes manières de conscientisation, d'émancipation, d'augmentation de la puissance individuelle, collective et démocratique de penser et d'agir qui accompagnent, donnent sens voire légitimité à pouvoir ''faire l'Histoire''. Ainsi, la culture devient-elle un travail aux sens obstétrique (accouchement du nouveau), psychanalytique (d'accession à la conscience de ce qui en a été refoulé), de transformation du négatif en positif (Hegel). Cette manière de concevoir la culture non comme un bien à s'approprier mais comme une série d' ''opérations culturelles" (Michel de Certeau, "La culture au pluriel") est précisément celle d'une éducation populaire politique que celle-ci soit spontanée et organique (le mouvement des ''gilets jaunes'' est un mouvement à la fois social, politique, culturel et d'éducation ouvrant sur la transformation de ce qui ne peut continuer en l'état) où que cette éducation soit propédeutique (préparatoire à des engagements de participation et de transformation sociale et politique) et relève d'associations, de mouvements, de fédérations dites d'éducation populaire et de jeunesse (Ligue de l'enseignement, Centres sociaux, Maisons des jeunes et de la Culture, mouvements d'éducation nouvelle, Foyers ruraux....) à conditions que cette éducation coopérative ne soit pas abandonnée, instrumentalisée et marchandisée par les pouvoirs publics et la concurrence néolibérale. (voir nos différentes publications de ''Éducation populaire et puissance d'agir. Le processus culturels de l'émancipation'' (L'Harmattan) à "Éducation populaire et questions de société. les dimensions culturelles du changement social" en passant par "La culture, pour quoi faire?" 'éditions Edilivre).
Ainsi, se férérer ne peut se concevoir sans cette dimension praxéologique et opératoire de la culture à même de nous permettre de construire une ''communauté de destin" qui au delà du marché et du contrôle des États, permet aux individus de penser, d'imaginer et de construire un nouveau devenir pour l'humanité.
Christian Maurel, sociologue de la culture et de l'éducation populaire politique, ancien militant et professionnel des Maisons des Jeunes et de la Culture.
Franc Bardòu Sun 21 Jun 2020 3:45PM
Bon, alors, dans les faits, comment on s'y prend ?
MAUREL Mon 22 Jun 2020 4:12PM
En effet, comment on s'y prend ? Il s'agit pour moi de penser la culture au regard de ce qu'elle peut apporter à une transformation sociale, économique, écologique radicale : ce que certains appellent la sortie du capitalisme, ce que d'autres sans doute avec quelques arguments continuent à appeler "révolution'', ce que de mon côté j'appelle ''l'urgente nécessité d'une bifurcation radicale'' qui nous éviterait de sombrer dans la barbarie. Mais cette fonction essentielle de la culture n'est pas nouvelle, à condition qu'on ne la limite pas aux savoirs disciplinaires et aux productions artistiques souvent instrumentalisées par la domination capitaliste sous des formes diverses (marchandisation, loisirs occupationnels parmi d'autres, développement des forces productives au bénéfice d'une oligarchie ploutocratique, embrigadement comme ce fut et c'est généralement le cas dans les pays totalitaires... ). C'est pour cela que je propose de la penser en tant qu'élément essentiel d'une praxis de transformation ou d'un "mouvement réel qui abolit l'état actuel des choses'' pour le dire avec les mots de Marx et d'Engels dans ''L'idéologie allemande". C'est ainsi que la culture est un enjeu dans tous les mouvements sociaux et politiques, révolutionnaires ou pas, notamment dans les quelques 37 jours que dura la Commune de Paris sous la forme d'un nouvel imaginaire social (voir Kristin Ross, ''L'imaginaire de la commune'') et d'un ''luxe social'' devant concourir ''aux splendeurs de l'avenir et à la République universelle''(Manifeste de la Fédération des artistes/Avril 1871). Mais on trouverait facilement d'autres cas comme le Proletkult porté par les conseils ouvriers (soviets) en 1917, ''culture prolétarienne'' visant à mener la lutte dans les têtes au même titre qu'avec les bras des exploités.
Cette vision historique de la culture se retrouve dans ce que nous sommes certains à appeler une éducation populaire critique, mutuelle, permanente et politique qui fait corps avec les mouvements sociaux (c'est son sens organique). Le mouvement des gilets jaunes conduisant à ''politiser'' des personnes qui ne portaient préalablement que peu d'intérêt à la politique instituée de notre république est un des exemples récents de cette capacité de la culture à transformer à la fois les individus et les rapports sociaux. C'est ce qui devrait pouvoir se faire dans les associations, mouvements et fédérations d'éducation populaire et de jeunesse sous des formes diverses : débats sur les grandes questions de société, apprentissage à l'expression publique, à l'analyse, à la capacité de faire des propositions, d'argumenter, de délibérer qui sont les éléments essentiels d'une démocratie réelle, capacité à créer, à représenter le monde sous des formes artistiques innovantes visibles dans l'espace public, productrices de sens surtout quand elles prennent la forme de ''co-créations'' engageant dans un même mouvement des professionnels et des amateurs comme j'ai pu le décrire et le montrer à travers certaines expériences conduites en PACA (l'opération Gatti à Avignon - quartier de la Croix des oiseaux, opération Hip'hopéra à Martigues, les artistes photographes à Manosque) - autant d'expériences qui ont conduit certaines structures comme les MJC, peu ou pas reconnues par le Ministère de la culture, à s'autolabéliser ''scènes culturelles de proximité" et à conduire un travail permanent de démocratie et de démocratisation culturelles engageant les habitants dans les différentes proximités (monde rural, quartiers populaires, notamment) d'une manière telle que les questions sociales, environnementales, artistiques et politiques sont intimement liées dans une "révolution permanente" des consciences et une coopération des habitants et des associations ou regroupements divers qu'ils ont créées (voir l'expérience ''Les arts au coin de ma rue'' dans les quartier Sud d'Avignon).
Ce sont ces différentes expériences et structures qu'il s'agit de défendre, aujourd'hui plus que jamais, contre une instrumentalisation des politiques publiques à des fins de paix sociale et d'intégration à un système discriminatoire; se battre également contre la réduction des pratiques culturelles à des marchandises prêtes à consommer. Il y a là matière à envisager la manière dont on peut s'y prendre à condition de bien comprendre que ce lien organique entre culture, instruction, co-éducation et mouvements sociaux alternatifs ne commence pas aujourd'hui. Ce lien passe par la parole, par l'échange des savoirs, par la co-création constitutive de nouveaux imaginaires sociaux nous portant vers d'autres avenirs. ''Il faut instruire (aujourd'hui on dirait ''se cultiver'') pour révolter'' et ''connaitre l'adversaire contre lequel on doit porter ses coups'' disait à la fin du 19ème siècle, l'anarcho-syndicaliste, Fernand Pelloutier, responsable national des Bourses du travail. Finalement, la culture sert à y voir un peu plus clair sur un chemin qui n'est pas tracé d'avance, chaque pas, grand ou petit, devant éclairer le suivant. Car la lumière ne peut venir (seulement ! ?) d'en haut. Si c'était le cas, nous n'en serions pas là ou nous en sommes aujourd'hui. Les guides se disant éclairés (cultivés) et prêts à guider les ''masses'' plongées dans le noir, sont légion dans l'histoire de l'humanité. Et très souvent leurs lumières ont conduit les Hommes à la barbarie. Notre 20ème siècle en est peuplé, rarement pour le meilleur, le plus souvent pour le pire...
Fraternellement à tous.
Christian Maurel.

Soaz JOLIVET Sun 21 Jun 2020 4:54PM
Les 19 personnes qui ont voté "pour" sont-elles d'accord pour constituer un groupe de travail ? Est-il possible de faire une synthèse des discussions ? Y-a-t-il d'ores et déjà de grands axes qui se dégagent ?

Soaz JOLIVET Mon 22 Jun 2020 10:19AM
Bonjour tou-te-s, après avoir relu tout, je remarque que la diversité des ressources culturelles qu'elle soit reconnue ou non, qu'elle soit ainsi dénommée ou non, traverse les différents apports des "fédérés". La mobilisation collective de la diversité des ressources culturelles produit un bien commun culturel, source de transformation du social. Les collectivités locales peuvent en croisant cultures et social , se saisir de ce levier. Nous pouvons discuter et imaginer les propositions concrètes et facilement réalisables allant dans ce sens du développement. Au plaisir de vous lire...
giroud Mon 22 Jun 2020 12:25PM
Je suis juste très attristée de lire : " ressources culturelles / diversité des ressources culturelles / produit / source de transformation du social / cultures et social / levier / dans ce sens du développement" . On pourra toujours relire Pasolini.
Franc Bardòu Mon 22 Jun 2020 1:13PM
Attristée pourquoi ? Parce que les éléments de langage font un peu "langue de bois" : il faut au moins traduite en langue des bois. Il faut bien partir de quelque chose, puis, au lieu de s'attrister, corriger, modifier ou, mieux encore, contre-proposer, non ?
giroud Mon 22 Jun 2020 1:19PM
non franchement je ne peux rien faire ... je ne suis pas du tout en phase avec cette langue (de bois en effet) et les idées vagues qu'elle porte
Le lun. 22 juin 2020 à 15:13, Franc Bardòu (Framavox) notifications@framavox.org a écrit :
Sophie Sainte-Marie Mon 22 Jun 2020 1:30PM
Et bien sortons donc de cette langue de bois que j'ai tentée de décrypter plus haut. Comment donc voyez-vous les choses ? Quels sont vos rêves à vous ? Comment voyez-vous ce lien entre culture et politique dont vous nous avez parlé plus haut ?
giroud Mon 22 Jun 2020 1:44PM
désolée je renonce, je ne partage pas votre approche
Le lun. 22 juin 2020 à 15:30, Sophie Sainte-Marie (Framavox) notifications@framavox.org a écrit :
Franc Bardòu Mon 22 Jun 2020 2:05PM
Mes rêves sont multiples et imbriqués. J'ai choisi le domaine "culture" afin de m'assurer que les langues historiques de France n'y seraient ni négligées, ni ignorées ni, pire encore, combattues. Certaines figures emblématiques de "la gauche française" défendent toujours des postures coloniales (donc très à droite) vis à vis de nos langues.
Au plan culturel, je rêve, pour ma langue, ma culture et mon peuple, d'une vie normale, c'est à dire d'une vie où cette langue est partout. Non pas exclusive, mais inclusive, sur au moins deux plans. L'exemple de la Catalogne — décrétée par voie royale "espagnole" — est pour moi emblématique : A Barcelone, je peux parler en occitan à tout le monde (même aux flics, du moins jusqu'à il y a trois ans !!!). Les uns me répondent en catalans (c'est presque la même langue, à l'écrit), les autres, beaucoup plus rares, en castillan (les Français disent "en espagnol") et les troisièmes (des passionnés de cultures) en occitan. A charge pour moi de comprendre les trois langues, bien sûr. Dans cette ville, ma langue peut être parlée partout. Avant Rajoy et les conséquences désastreuses de son crypto-fascisme ; j'aimerais juste que ce soit pareil chez moi, tout simple. Je suis obligé de partir "à l'étranger" pour pouvoir parler ma langue. En rentrant chez moi, je me sens "en exil" : c'est complètement dingue, et surtout complètement abject.
Il faudrait donc que les enfants de chaque territoire aient acquis dès le plus jeune âge perméabilité claire et durable à la langue historique dudit territoire.
Puis en terme culturel, il faudrait que chaque territoire puisse devenir un point de rayonnement culturel, sans avoir besoin d'une "capitale extérieure", ni donc de sa langue et de sa culture qui ne sont pas celles dudit territoire. Sinon, pour les acteurs intellectuels et culturels, l'assignation à l'exil est double. Hors de Paris, point de salut, hors de la fracophonie, point de phonie !!! "La culture" n'a pas à être un machin plus ou moins inaccessible qui ne se fait qu'avec du pognon, dans une ville inhumainement immense où c'est la foire (la lutte de tous contre tous) pour se tailler une place et une visibilité. Le fait de participer à la vie d'une langue dite régionale a surtout était pour moi le moyen d'entre complètement dans la vie culturelle. La "bulle culturelle francophone" m'apparaissait fermée et exclusive, tandis que le "petit monde occitan" m'est apparu beaucoup plus convivial, et réclamait du sang neuf, de l'énergie créatrice, des projets sans concurrence et sans aucun souci de rentabilité (début des années 90). A quoi je rêve ? A des cultures qui fonctionneraient encore et toujours sur une telle base, c'est à dire, concrètement, sans aucune trace des fameux "cinq points" mis en évidence par le post de Sophie Sainte-Marie. D'où mon idée d'attaquer frontalement ces cinq points insupportablement ultralibéraux…
Sophie Sainte-Marie Mon 22 Jun 2020 2:28PM
Vous savez, ce n'est clairement pas MON approche. C'est plutôt l'approche qui nous est imposée et dont on voudrait bien, justement, se débarrasser.
Sophie Sainte-Marie Mon 22 Jun 2020 1:20PM
C'est clair ! Il me semble que là-dessus au moins, nous sommes tous d'accord. S'extraire du monde qui tente de nous contraindre, imaginer plus librement tout en connaissant les enjeux dans lesquels on essaiera toujours de nous enfermer, ce n'est pas facile. Rêver d'abord, chercher ensuite les solutions à notre rêve, c'est peut-être la seule solution.

Soaz JOLIVET Mon 22 Jun 2020 1:47PM
Il n'y a strictement aucune langue de bois dans un appel à propositions concrètes et à imaginer. Je décide de sortir de ce groupe et de la communauté "Se fédérer" à cause de l'agressivité verbale de Giroud et de Molécule dans leurs jugements des autres. J'ai suffisamment d'expérience des groupes citoyens pour savoir que quand ça commence ainsi il n'y a rien à attendre. Mon temps est précieux, je ne le gaspille pas dans des voies sans issue. Dans cette courte mais enrichissante expérience au titre de l'observation , j'ai pu lire des réflexions sincères et impliquées des autres personnes. Merci à vous. Bonne continuation le temps que cela durera. Je crains que l'immaturité communicationnelle de certain-e-s n'ait raison des meilleurs volontés des autres.
Franc Bardòu Mon 22 Jun 2020 2:08PM
Je vais vous regretter. Moi aussi je sens de l'agressivité…
Sophie Sainte-Marie Mon 22 Jun 2020 2:41PM
Zut alors ! c'était pourtant chouette de vous lire ! Je n'aurais pas eu le temps, en ce qui me concerne de participer à un vrai groupe de travail, mais j'avais l'impression que vous étiez déjà partis, à plusieurs, pour réfléchir ensemble. Ce qui n'aurait d'ailleurs pas empêché d'autres personnes de créer un autre groupe de travail pour réfléchir selon un autre axe...
Marianne Fischman · Thu 18 Jun 2020 1:40PM
Oui je trouve que c'est une très bonne idée. Pardon de ne pas avoir répondu avant. Comment envisages-tu ce groupe de travail ?